Abécédaire

Libre choix de citations de Péguy Par Claire Daudin

Libre choix de citations de Péguy
Par Claire Daudin

PL. I = Œuvres en prose complètes, tome I, Gallimard, coll. " Bibliothèque de la Pléiade ", 1987.
PL. II = Œuvres en prose complètes, tome II, Gallimard, coll. " Bibliothèque de la Pléiade ", 1988.
PL. III = Œuvres en prose complètes, tome III, Gallimard, coll. " Bibliothèque de la Pléiade ", 1992.
PL. Poésie = Œuvres poétiques complètes, Gallimard, coll. " Bibliothèque de la Pléiade ", 1975.

A

Affaire Dreyfus
Il faut donc le dire, et le dire avec solennité : l'affaire Dreyfus fut une affaire élue. Elle fut une crise éminente dans trois histoires elles-mêmes éminentes. Elle fut une crise éminente dans l'histoire d'Israël. Elle fut une crise éminente, évidemment, dans l'histoire de France. Elle fut surtout une crise éminente, et cette dignité apparaîtra de plus en plus, elle fut surtout une crise éminente dans l'histoire de la chrétienté. Notre jeunesse, PL. III, p. 40.

Mais je ne m'en consolerai pas. Parce que je tiens à être ridicule, et seul, et déplorable. Et parce que je tiens à être ridicule j'en parlerai toujours. (…) Ce crime a inauguré notre vie publique, notre vie civique. En réalité il a inauguré toute notre vie ; et on ne peut se défaire de son inauguration. Irrévocablement il commandera toute notre vie de ce temps ; non seulement notre vie publique et civique ; mais toute notre vie intellectuelle et morale, mentale ; et même physique. Car il y a une atteinte physique de toutes les atteintes, une atteinte charnelle, une inscription physique de tous les anciens crimes.

A nos amis, à nos abonnés, PL. II, p. 1308.
Amitié

Deuxièmement nous avons obtenu ce résultat que sans exercer rien qui ressemblât à une pression, d'aucune sorte, sans exercer ni demander aucun entraînement, sans rien demander à personne, sans rien exercer ni demander qui ressemblât à une adhésion, à une sollicitation, à un engagement, à une aliénation quelconque nous avons par cette longue patience, par un recrutement longuement, patiemment poursuivi, constitué peu à peu, sans engager personne, une société d'un mode incontestablement nouveau, une sorte de foyer, une société naturellement libre de toute liberté, une sorte de famille d'esprits, sans l'avoir fait exprès, justement ; nullement un groupe, comme ils disent ; cette horreur ; mais littéralement ce qu'il y a jamais eu de plus beau dans le monde : une amitié ; et une cité.

A nos amis, à nos abonnés, PL. II, p. 1276.
Amour
Celui qui aime se met, par cela même,
Par cela seulement, dès par cela dans la dépendance,
Celui qui aime tombe dans la servitude de celui qui est aimé.
Le Porche du mystère de la deuxième vertu, PL. Poésie, p. 612.
Argent
Celui qui aime se met, par cela même,
Par cela seulement, dès par cela dans la dépendance,
Celui qui aime tombe dans la servitude de celui qui est aimé.
Le Porche du mystère de la deuxième vertu, PL. Poésie, p. 612.
Pour la première fois dans l'histoire du monde les puissances spirituelles ont été toutes ensemble refoulées non point par les puissances matérielles mais par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l'argent. […]
De là est venue cette immense prostitution du monde moderne. Elle ne vient pas de la luxure. Elle n'en est pas digne. Elle vient de l'argent. Elle vient de cette universelle interchangeabilité.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1455-1456.
Art
Ces mots : ce que, pour nous, dans notre conception socialiste, représente l'idée de l'art, n'ont pour moi aucun sens. Ou bien s'ils avaient un sens ils donneraient à penser que nous avons, comme socialistes, une représentation particulière de l'art. Au lieu que nous avons une idée de l'art uniquement parce que nous sommes des hommes.
Réponse brève à Jaurès, PL. I, p. 543.
Et que l'art n'est rien s'il n'est point une étreinte ajustée de quelque réalité.
Les Suppliants parallèles, PL. II, p. 333.

B

Barbarie
Le sort de l'homme et de l'humanité est sans doute essentiellement précaire. Mais le sort de l'humanité n'a jamais été aussi précaire, aussi misérable, aussi menacé, que depuis le commencement de la corruption des temps modernes. (…) Aujourd'hui de partout, guerres et massacres, et imbécillité, même laïque, la barbarie remonte. De partout monte l'inondation de la barbarie. Et les quatre cultures qui dans l'histoire du monde qui est enfin devenu le monde moderne aient seules réussi à refouler jamais la barbarie, la culture hébraïque, la culture hellénique, la culture chrétienne, la culture française, sont aujourd'hui également pourchassées.
Par ce demi-clair matin, PL. II, p. 105.
Baptême
Et le baptême est le sacrement des petits.
Et le baptême est le sacrement le plus neuf.
Et le baptême est le sacrement qui commence.
Tout ce qui commence a une vertu qui ne se retrouve jamais plus.
Le Porche du mystère de la deuxième vertu, PL. Poésie, p. 550.
Bernard-Lazare
Je ferai le portrait de Bernard-Lazare. Il avait, indéniablement, des parties de saint, de sainteté. Et quand je parle de saint, je ne suis pas suspect de parler par métaphore. Il avait une douceur, une bonté, une tendresse mystique, une égalité d'humeur, une expérience de l'amertume et de l'ingratitude, une digestion parfaite de l'amertume et de l'ingratitude, une sorte de bonté à qui on n'en remontrait point, une sorte de bonté parfaitement renseignée et parfaitement apprise d'une profondeur incroyable. Comme une bonté à revendre. Il vécut et mourut pour eux comme un martyr. Il fut un prophète. Il était donc juste qu'on l'ensevelît prématurément dans le silence et dans l'oubli. Dans un silence fait. Dans un oubli concerté.
Notre Jeunesse, PL. III, p. 63.

C

Cahiers de la quinzaine
Si nous avions jamais pu trouver quelque chose de plus ou de mieux, à faire, que ces cahiers, par définition nous eussions fait ce quelque chose ; si nous avions jamais pu imaginer quelque œuvre ou quelque vie meilleure ou plus utile, par définition nous nous serions proposé d'opérer cette œuvre et de vivre cette vie ; mais c'est justement parce que nous n'avons rien trouvé ni rien imaginé de mieux à faire que ces cahiers que nous avons fait ces cahiers.
Louis de Gonzague, PL. II, p. 384.
Charité
Nous pouvons aujourd'hui nous rendre ce témoignage. La Justice et la Vérité que nous avons tant aimées, à qui nous avons donné tout, notre jeunesse, tout, à qui nous nous sommes donnés tout entiers pendant tout le temps de notre jeunesse n'étaient point des vérités et des justices de concept, elles n'étaient point des justices et des vérités mortes, elles n'étaient point des justices et des vérités de livres et de bibliothèques, elles n'étaient point des justices et des vérités conceptuelles, intellectuelles, des justices et des vérités de parti intellectuel, mais elles étaient organiques, elles étaient chrétiennes, elles n'étaient nullement modernes, elles étaient éternelles et non point temporelles seulement, elles étaient des Justices et des Vérités, une Justice et une Vérité vivantes. Et de tous les sentiments qui ensemble nous poussèrent, dans un tremblement, dans cette crise unique, aujourd'hui nous pouvons avouer que de toutes les passions qui nous poussèrent dans cette ardeur et dans ce bouillonnement, dans ce gonflement et dans ce tumulte, une vertu était au cœur et que c'était la vertu de charité.
Notre Jeunesse, PL. III, p. 84.
Je n'aime pas, mon jeune camarade, et pour dire le vrai je ne veux rien savoir d'une charité chrétienne qui serait une capitulation perpétuelle devant les puissants de ce monde. Je ne veux rien savoir d'une charité chrétienne qui serait une capitulation constante (du spirituel) devant les puissances temporelles. Je ne veux rien savoir d'une charité chrétienne qui serait une capitulation constante devant les princes, et les riches, et les puissances d'argent. Je ne veux rien savoir d'une charité chrétienne qui serait un constant abandonnement du pauvre et de l'opprimé. Je ne reconnais qu'une charité chrétienne, mon jeune camarade, et c'est celle qui procède directement de Jésus, (Evangiles, passim, ou plutôt ubique) :c'est la constante communion, et spirituelle, et temporelle, avec le pauvre, avec le faible, avec l'opprimé.
L'Argent suite, PL. III, p. 886.

D

Démocratie
Tous ces républicains sincères et braves gens s'imaginaient que la démocratie consistait en ce que les fils du peuple devinssent par une série de concours et d'éliminations une aristocratie commandante. Que le fils d'un ouvrier mécanicien fût reçu à Saint-Cyr, comme on osait nommer familièrement l'Ecole spéciale militaire, c'était tout à fait bien. Qu'un fils d'instituteur fût reçu à Polytechnique, c'était mieux encore. Et que le fils d'une rempailleuse de chaises fût reçu à l'Ecole normale supérieure, c'était la gloire même. Cette perversion de l'esprit démocratique (…) avait sa formule facile dans ce commencement de phrase : " Léon Gambetta, fils d'un épicier de Cahors ".
Le Ravage et la Réparation, PL. I, p. 270.
Ce qui revient à dire que c'est très exactement le contraire de ce que l'on nous avait promis, quand nous étions petits, à l'école primaire, sous le nom de l'avènement de la démocratie, qui au contraire, et théoriquement, et c'était là un de ses plus grands avantages, théoriques, mettait chacun à sa place, tout homme à son rang, qui était le premier ; tous ensemble et chacun séparément premiers.
Un poète l'a dit, PL. II, p. 801.
Descartes
Descartes, dans l'histoire de la pensée, ce sera toujours ce cavalier français qui partit d'un si bon pas.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1280.
Dévots
Parce qu'ils n'ont pas le courage d'être du monde, ils croient qu'ils sont de Dieu. Parce qu'ils n'ont pas le courage d'être d'un des partis de l'homme, ils croient qu'ils sont du parti de Dieu. Parce qu'ils ne sont pas de l'homme, ils croient qu'ils sont de Dieu. Parce qu'ils n'aiment personne, ils croient qu'ils aiment Dieu.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1367.
Dieu
Mais vous avez touché le Dieu qui mord, vous avez touché le Dieu qui sait mordre.
Clio, Dialogue de l'histoire et de l'âme païenne, PL. III, p. 1154.
Dieu a besoin de nous, Dieu a besoin de sa créature.
Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, PL. Poésie, p. 615.

E

Economie
Je sais que je fais de la cuisine, en ce sens que je fais de l'économique. Je suis un économe, un gérant, un intendant, un cuisinier, un employé, un commis. Mais je me suis laissé dire que le socialisme revenait à restaurer dans leur dignité morale ces modestes fonctions de la vie économique sans quoi l'univers de la pensée s'arrêterait de fonctionner aussi.
Personnalités, PL. I, p. 921.
Eglise
Toute la faiblesse, et peut-être faut-il dire la faiblesse croissante de l'Eglise dans le monde moderne vient non pas comme on le croit de ce que la Science aurait monté contre la Religion des systèmes soi-disant invincibles, non pas de ce que la Science aurait découvert, aurait trouvé contre la Religion des arguments, des raisonnements censément victorieux, mais de ce que ce qui reste du monde chrétien socialement manque aujourd'hui profondément de charité. Ce n'est point du tout le raisonnement qui manque. C'est la charité.
Notre jeunesse, PL. III, p. 99.
Elections
Ces élections aujourd'hui vous paraissent une formalité grotesque, universellement menteuse, truquée de toutes parts. Et vous avez le droit de le dire. Mais des hommes ont vécu, des hommes sans nombre, des héros, des martyrs, et je dirais des saints, - et quand je dis des saints je sais peut-être ce que je dis-, des hommes ont vécu sans nombre, héroïquement, saintement, des hommes ont souffert, des hommes sont morts, tout un peuple a vécu pour que le dernier des imbéciles aujourd'hui ait le droit d'accomplir cette formalité truquée.
Notre jeunesse, PL. III, p. 19.
Enfants
Car les enfants sont plus mes créatures
Que les hommes.
Le Porche du mystère de la deuxième vertu, PL. Poésie, p. 532.
Enseignement
La crise de l'enseignement n'est pas une crise de l'enseignement ; il n'y a pas de crise de l'enseignement ; il n'y a jamais eu de crise de l'enseignement ; les crises de l'enseignement ne sont pas des crises de l'enseignement ; elles sont des crises de vie.
Quand une société ne peut pas enseigner, c'est que cette société ne peut pas s'enseigner ; c'est qu'elle a honte, c'est qu'elle a peur de s'enseigner elle-même ; pour toute humanité, enseigner, au fond, c'est s'enseigner ; une société qui n'enseigne pas est une société qui ne s'aime pas ; qui ne s'estime pas ; et tel est précisément le cas de la société moderne.
Pour la rentrée, PL. I, p. 1390.
Il y a un abîme pour une culture, pour une histoire, pour une vie passée dans l'histoire de l'humanité, pour une humanité enfin, entre figurer à son rang linéaire dans la mémoire et dans l'enseignement de quelques savants et dans quelques catalogues de bibliothèques, et s'incorporer au contraire, par des études secondaires, par des humanités, dans tout le corps pensant et vivant, dans tout le corps sentant de tout un peuple.
Les Suppliants parallèles, PL. II, p. 375.
Esclaves
Dans tous les pays du monde il est entendu, et il faut saluer ici un arrangement vraiment ingénieux, que les travaux désagréables sont confiés à des classes inférieures, nommées prolétariennes, ou à des races inférieures, Noirs, Chinois, Typographes ; c'est ce que l'Antiquité nommait communément des esclaves ; plus délicats, les temps modernes avaient aboli ce vieux nom brutal d'esclaves ; et attendu que les temps modernes sont beaucoup plus civilisés, les célèbres ingénieurs modernes avaient inventé, pour les mêmes réalités, des noms qui étaient beaucoup moins malsonnants ; on nommait en effet ces véritables mais modernes esclaves, on avait imaginé de les nommer officieux, ouvriers, coolies, électeurs, immigrés, ouvriers à bail, porteurs.
Heureux les systématiques, PL. II, p. 302.
Espérance
Ici apparaît sous un jour nouveau, ici éclate, ici et à ce recroisement jaillit dans son plein sens et la force et la destination centrale de cette vertu que nous avons nommée la jeune et l'enfant espérance. Elle est essentiellement la contre-habitude. Et ainsi elle est diamétralement et axialement et centralement la contre-mort. Elle est la source et le germe. Elle est le jaillissement et la grâce. Elle est le cœur de la liberté. Elle est la vertu du nouveau et la vertu du jeune. Et ce n'est pas en vain qu'elle est Théologale et elle est la princesse même des Théologales et ce n'est pas en vain qu'elle est au centre des Théologales, car sans elle la Foi glisserait sur ce revêtement de l'habitude ; et sans elle la Charité glisserait sur ce revêtement de l'habitude.
Et c'est elle notamment qui garantit à l'Eglise qu'elle ne succombera pas sous son mécanisme.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1327.

F

France, peuple français
Le dernier peuple humain vraiment ; le dernier survivant des anciens âges, le dernier témoin de l'intelligence du monde ; le seul peuple qui eût conservé la tradition de l'intelligence contre la philologie ; la tradition de la philosophie contre le bafouillage hégélien, contre la duplicité leibnizienne ; le seul peuple qui fût le refuge de l'intelligence ; dernier et seul refuge de la philosophie contre le mécanisme scolaire, contre l'hébétement de l'habitude, contre l'automatisme de l'enseignement, contre l'inintelligence de la philologie ; dernier refuge de l'art contre la barbarie ; de la morale contre la brutalité ; des œuvres contre les critiques ; des textes contre les commentaires ; des auteurs contre les parasites ; et des beaux textes contre les gloses ; dernier refuge de la vie contre le raidissement militaire et scolaire ; dernier refuge de la connaissance directe contre la circumnavigation scientiste ; dernier refuge de la beauté intelligente et bonne contre l'ignorance docte et dure des prétentieux savants ; dernier refuge de la bonté contre la dureté germaniste ; dernier refuge de la liberté dans le monde ; dernier refuge de la douce et sotte fraternité contre les endurcissements des égoïsmes nationalistes.
Par ce demi-clair matin, PL. II, p. 115
La France était de toute antiquité, par doit de naissance, par droit divin, comme une reine des nations ; une reine, au vieux sens français du mot, demi-sérieux, demi-mystérieux, demi-héraldique, demi-conte de fée, rimant avec marraine dans la romance de Chérubin ; en tous ces sens la France était reine, et marraine , des nations ; nous étions tous, en elle, des grands seigneurs et des rois ; nous avions accoutumé de parler en maîtres, ou du moins en arbitres, et de traiter les affaires des peuples ; nous parlions un langage naturellement universel, volontiers prophétique, mais toujours de bonne et de grande compagnie ;nous parlions un langage de compagnie royale ; nos défaites n'y avaient rien fait ; quand nous avions fait une révolution, nous l'avions faite pour tout le monde, rien de moins ; et nous la nommions familièrement la révolution, ce qui voulait dire la révolution française, c'est-à-dire le commencement, la mise en mouvement de la révolution universelle ; nous étions naturellement les premiers appelés dans le conseil des rois, et les premiers écoutés ; nous étions les rois de tout le monde ; à peine cabotins, nous ne parlions que pour un parterre de rois ; les autres peuples avaient leur politique à eux, leur politique individuelle de pauvres peuples, simples peuples ; nous n'avions pas, nous, de politique à nous, de politique individuelle ; notre politique était toujours, au fond, la politique de l'humanité, disons mieux, la politique divine ; enfin nous refaisions incessamment, au bénéfice de la France, le Discours sur l'histoire universelle : nous nous considérions perpétuellement comme les mandataires d'un Dieu à qui nous avions commencé de cesser de croire ; nous étions des plénipotentiaires, comme si jamais quelque peuple sur terre avait les pleins pouvoirs ; nous étions des ambassadeurs, perpétuellement en mission extraordinaire ; nous étions des grands ambassadeurs ; nos combinaisons étaient toujours grandes ; nous parlions toujours au nom de l'humanité ; nos plans étaient immenses ; nous éti ons comme des agents généraux, dépositaires, entrepositaires et commissionnaires de l'éternel ; c'est-à-dire que tout ce que nous faisions était toujours plein d'idées générales, comme un bon travail d'un normalien du vieux temps ; c'est-à-dire, en bon français, que nous nous mêlions toujours des affaires des autres, car on ne peut pas toujours s'occuper des affaires de tout le monde sans se mêler un peu des affaires des autres ; mais les autres en avaient quelquefois assez.
Par ce demi-clair matin, PL. II, p. 142-143.
C'est embêtant, dit Dieu. Quand il n'y aura plus ces Français,
Il y a des choses que je fais, il n'y aura plus personne pour les comprendre.
Le Mystère des Saints-Innocents, PL. Poésie, p. 741-742.
Fraternité
D'âge en âge la fraternité, qu'elle revête la forme de la charité ou la forme de la solidarité ; qu'elle s'exerce envers l'hôte au nom de Zeus hospitalier, qu'elle accueille le misérable comme une figure de Jésus-Christ, ou qu'elle fasse établir pour des ouvriers un minimum de salaire ; qu'elle investisse le citoyen du monde, que par le baptême elle introduise à la communion universelle, ou que par le relèvement économique elle introduise dans la cité internationale, cette fraternité est un sentiment vivace, impérissable, humain ; c'est un vieux sentiment, qui se maintient de forme en forme à travers les transformations, qui se lègue et se transmet de générations en générations, de culture en culture, qui de longtemps antérieur aux civilisations antiques s'est maintenu dans la civilisation chrétienne et sans doute s'épanouira dans la civilisation moderne ; c'est un des meilleurs parmi les bons sentiments ; c'est un sentiment à la fois profondément conservateur et profondément révolutionnaire ; c'est un sentiment simple ; c'est un des principaux parmi les sentiments qui ont fait l'humanité, qui l'ont maintenue, qui sans doute l'affranchiront ; c'est un grand sentiment, de grande fonction, de grande histoire, et de grand avenir ; c'est un grand et noble sentiment, vieux comme le monde, qui a fait le monde.
De Jean Coste, PL. I, p. 1034.

G

Génie
Tout homme de génie a derrière lui un immense peuple, un peuple silencieux (…). De cet immense peuple monte la sève qui refleurira dans ses œuvres et qui dans ses fruits fructifiera ; de cette immense race monte le sang de ses veines ; silencieux ils vivent leur vie et meurent leur mort, et leur nom même disparaît aussitôt de la mémoire de l'humanité ; ces hommes disparaissent de l'humanité ; ils en disparaîtraient totalement ; deux survivances les sauvent de la mort humaine : la survivance du sang transporté de génération en génération les sauve de la mort dans l'existence de l'humanité ; la survivance du génie les sauve de la mort dans la mémoire de l'humanité.
Par ce demi-clair matin, PL. II, p. 186-187.
Gloire
Malheur à l'artiste qui aime la gloire. Que si l'on veut donner un seul et même nom, ce nom de gloire, à la célébrité d'un Tolstoï et à celle d'un Victor Hugo, je proteste. Je suis comme cet inglorieux Pascal. Je demande la préalable définition des mots. Aux artistes qui auraient ouvertement ou sournoisement agencé le dessein de remplacer moins ou plus Napoléon premier dans l'imagination des peuples, nous laisserons ce mot militaire et contaminé, romain, pour tout dire, de gloire.
Réponse brève à Jaurès, PL. I, p. 561.
Grâce
Il est impossible de ne pas considérer, avec un saisissement, combien cette théorie cartésienne est fidèlement apparentée, combien elle est parallèle à la théorie chrétienne et catholique de la grâce, à ce que nous avons le droit de nommer le mécanisme de la grâce. Comme il faut que l'expérience vienne au-devant de la raison, ainsi et par un mouvement parfaitement comparable et parfaitement parallèle il faut que la liberté vienne au-devant de la grâce. L'homme aussi est cette ville assiégée. Le péché aussi est ce blocus parfaitement réglé. La grâce aussi est cette armée royale qui vient au secours. Mais il faut aussi que la liberté de l'homme fasse une sortie, erumpat, et qu'elle aille au-devant de cette armée de secours.
Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne, PL. III, p. 1261.
Guerre
La conception moderne de la guerre, grossièrement venue des Romains, et surtout puisée dans tout le reste du monde moderne, est que la guerre est une opération par laquelle une puissance militaire se rend maîtresse d'une autre puissance militaire ; la conception antique de la guerre, venue des Grecs et surtout des premiers chrétiens français - j'entends ceux du Moyen Age français - , est que la guerre est une opération par laquelle deux peuples se comparent pour savoir qui est le plus fort, c'est-à-dire le meilleur.
Par ce demi-clair matin, PL. II, p. 149.
Tout cela, mon jeune camarade, c'est la guerre et ce sont des faits de guerre. C'est même une guerre de libération. J'avoue que c'est une des guerres de la liberté. C'est la vieille résistance à l'oppression. Il s'agit de ne pas se laisser écraser, et de ne pas laisser écraser ce pays, et de ne pas laisser écraser ce peuple sous la plus basse tyrannie spirituelle et même intellectuelle et même mentale qui ait jamais voulu s'exercer par les moyens de force et notamment par les moyens d'un gouvernement temporel.
L'Argent suite, PL. III, p. 887.
En temps de guerre celui qui ne se rend pas est mon homme, quel qu'il soit, d'où qu'il vienne, et quel que soit son parti. Il ne se rend point. C'est tout ce qu'on lui demande. Et celui qui se rend est mon ennemi, quel qu'il soit, d'où qu'il vienne, et quel que soit son parti. Et je le hais d'autant plus, et je le méprise d'autant plus que par les jeux des partis politiques il prétendrait s'apparenter à moi.
L'Argent suite, PL. III, p. 926.

H

Héros
Nous fûmes des héros. Il faut le dire très simplement, car je crois bien qu'on ne le dira pas pour nous. Voici très exactement en quoi et pourquoi nous fûmes des héros. Dans tout le monde où nous circulions, dans tout le monde où nous achevions alors les années de notre apprentissage, dans tout le milieu où nous circulions, où nous opérions, où nous croissions encore et où nous achevions de nous former, la question qui se posait, pendant ces deux ou trois années de cette courbe montante, n'était nullement de savoir si en réalité Dreyfus était innocent (ou coupable). C'était de savoir si on aurait le courage de le reconnaître, de le déclarer innocent. De le manifester innocent. C'était de savoir si on aurait le double courage. Premièrement le premier courage, le courage extérieur, le grossier courage, déjà difficile, le courage social, public de le manifester innocent dans le monde, aux yeux du public, de l'avouer au public, (de le glorifier), de l'avouer publiquement, de le déclarer publiquement, de témoigner pour lui publiquement. De risquer là-dessus, de mettre sur lui tout ce que l'on avait, tout un argent misérablement gagné, tout un argent de pauvre et de misérable, tout un argent de petites gens, de misère et de pauvreté ; tout le temps, toute la vie, toute la carrière ; toute la santé, tout le corps et toute l'âme ; la ruine du corps, toutes les ruines, la rupture du cœur, la dislocation des familles, le reniement des proches, le détournement (des regards) des yeux, la réprobation muette ou forcenée, muette et forcenée, l'isolement, toutes les quarantaines ; la rupture d'amitiés de vingt ans, c'est-à-dire, pour nous, d'amitiés commencées depuis toujours. Deuxièmement le deuxième courage, plus difficile, le courage intérieur, le courage secret, s'avouer à soi-même en soi-même qu'il était innocent. Renoncer pour cet homme à la paix du cœur.
Non plus seulement à la paix de la cité, à la paix du foyer. A la paix de la famille, à la paix du ménage. Mais à la paix du cœur.
Au premier des biens, au seul bien.
Le courage d'entrer pour cet homme dans le royaume d'une incurable inquiétude.
Et d'une amertume qui ne se guérira jamais.
Notre jeunesse, PL. III, p. 120.
Histoire
Je lui donnais du réel, il recevait de l'histoire.
A nos amis, à nos abonnés, PL. II, p. 1310.

I

Idées
Tout autre est votre situation, infiniment différente selon que vous vous placez dans l'une ou dans l'autre alternative : selon que vous vous placez arbitrairement, intellectuellement en dehors de la création pour faire l'administrateur de ses pompes funèbres, pour faire l'enregistreur, ou l'enregistreur automatique, pour tenir un compte, que vous dites historique ou scientifique, des idées-momies à mesure qu'elles vous sont parvenues à l'état de cadavres ; ou selon que vous vous placez ou plutôt selon que vous prenez, selon que vous gardez naturellement votre place, réellement, créature dans la création, comme les autres à l'intérieur de la création, à votre place, en votre lieu, en votre temps, pour tenir votre place, à votre tour, pour garder votre poste, et pour faire votre temps.
Un poète l'a dit, PL. II, p. 823.
Ingratitude
Au lieu que dans le monde moderne c'est l'ingratitude qui est rituelle ; c'est elle qui est devenue comme un devoir, une obligation, presque une fidélité ; un moderne qui serait reconnaissant se ferait, lui au contraire, l'effet d'être accidentel, décommandé, désordonné, désintégré ; nous avons fait de l'ingratitude un rite et de la reconnaissance un accident.
Par ce demi-clair matin, PL. II, p. 162.
Incarnation
Pour que l'incarnation fût pleine et entière, pour qu'elle fût loyale, pour qu'elle ne fût ni restreinte ni frauduleuse il fallait que son histoire fût une histoire d'homme, soumise à l'historien, et que sa mémoire fût une mémoire d'homme, humainement, défectueusement conservée. En un mot il fallait que son histoire même et sa mémoire fût incarnée.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1401.
Insomnie
Or on me dit qu'il y a des hommes
Qui travaillent bien et qui dorment mal.
Qui ne dorment pas. Quel manque de confiance en moi.
C'est presque plus grave que s'ils travaillaient mal mais dormaient bien.
Le Porche du mystère de la deuxième vertu, PL. Poésie, p. 657.
Israël
Toute la politique d'Israël est de ne pas faire de bruit, dans le monde (on en a assez fait), d'acheter la paix par un silence prudent. (…) Tant de meurtrissures lui saignent encore. Mais toute la mystique d'Israël est qu'Israël poursuive dans le monde sa retentissante et douloureuse mission. De là des déchirements incroyables, les plus douloureux antagonismes intérieurs qu'il y ait eu peut-être entre une mystique et une politique. Peuples de marchands. Le même peuple de prophètes. Les uns savent pour les autres ce que c'est que des calamités.
Notre jeunesse, PL. III, p. 52.

J

Jardin
Français, dit Dieu, c'est vous qui avez inventé ces beaux jardins des âmes.
Je sais quelles fleurs merveilleuses croissent dans vos mystérieux jardins.
Je sais quelles épreuves
Infatigables vous portez. Je sais quelles fleurs et quels fruits vous m'apportez en secret.
C'est vous qui avez inventé le jardin. Les autres ne font que des horreurs.
Le Porche du mystère de la deuxième vertu, PL. Poésie, p. 637.
Français, dit Dieu, c'est vous qui avez inventé ces beaux jardins des âmes.
Je sais quelles fleurs merveilleuses croissent dans vos mystérieux jardins.
Je sais quelles épreuves
Infatigables vous portez. Je sais quelles fleurs et quels fruits vous m'apportez en secret.
C'est vous qui avez inventé le jardin. Les autres ne font que des horreurs.
Le Porche du mystère de la deuxième vertu, PL. Poésie, p. 637.
Jeanne d'Arc
Nul ne lui fut fidèle jusqu'au bout. Elle fut abandonnée et reniée comme le Christ. Et parmi ceux qui lui furent fidèles quelque temps, (si ces mots être fidèle quelque temps peuvent avoir le moindre sens), il n'y eut jamais que du menu peuple. Menu peuple de soldats, menu peuple d'Eglise, menu peuple de peuple. Moines, soldats, bourgeois. Ni prélats ni, autant dire, de barons. Ni roi. Elle eut à être chrétienne et martyre et sainte contre des Français et contre des chrétiens. (…) C'est ce que je nomme être sainte et martyre deux fois. C'est ce que je nomme une épreuve au deuxième degré, une sainteté, un martyre au deuxième degré.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1386
Jeunesse
Ne plus s'occuper des grandes questions, mon ami, c'est comme de fumer la pipe, une habitude que l'on prend quand l'âge vous gagne, où l'on croit que l'on devient homme, alors que c'est que l'on est devenu vieux. Heureux qui a gardé la jeunesse de son appétit métaphysique.
Entre deux trains, PL. I, p. 524.
Jésus
Jésus n'est jamais un être de mythologie. Pour les chrétiens il est le Fils de Dieu fait homme. Pour les infidèles il est, enfin mettons qu'il est un homme.
Clio, Dialogue de l'histoire et de l'âme païenne, PL. III, p. 1162.
Tout l'événement de sa vie et son martyre et sa mort était libre, consenti, volontaire et voulu. Jusqu'au dernier moment il était libre de ne point mourir pour le salut du monde. Toute sa vie et jusqu'au dernier moment il était libre de ne point accomplir les prophéties.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1399.
Juif
Le Juif est un homme qui lit depuis toujours, le protestant est un homme qui lit depuis Calvin, le catholique est un homme qui lit depuis Ferry.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1297.

L

Latin
Ce que fut pour moi cette entrée dans cette sixième à Pâques, l'étonnement, la nouveauté devant rosa, rosae, l'ouverture de tout un monde, tout autre, de tout un nouveau monde, voilà ce qu'il faudrait dire, mais voilà ce qui m'entraînerait dans des tendresses. Le grammairien qui une fois la première ouvrit la grammaire latine sur la déclinaison de rosa, rosae n'a jamais su sur quel parterre de fleurs il ouvrait l'âme de l'enfant.
L'Argent, PL. III, p. 817.
Lecture
C'est toujours ainsi qu'il faut lire ses auteurs ; il faut toujours prendre qu'un texte nous tombe directement sur la tête du haut du sommet du Puy-de-Dôme. Alors on peut dire qu'on le lit. Autrement il est vulgarisé, défait, habitué, sans fraîcheur. Et c'est comme s'il avait couché avec tout le monde.
Un poète l'a dit, PL. II, p. 806.
Des hommes aussi, des hommes enfin qui sachent lire, et ce que c'est que lire, c'est-à-dire que c'est entrer dans ; dans quoi, mon ami ; dans une œuvre, dans la lecture d'une œuvre, dans une vie, dans la contemplation d'une vie, avec amitié, avec fidélité, avec même une sorte de complaisance indispensable, non seulement avec sympathie, mais avec amour ; qu'il faut entrer comme dans la source de l'œuvre ; et littéralement collaborer avec l'auteur ; qu'il ne faut pas recevoir l'œuvre passivement ; que la lecture est l'acte commun, l'opération commune du lisant et du lu, de l'œuvre et du lecteur, du livre et du lecteur, de l'auteur et du lecteur.
Clio, Dialogue de l'histoire et de l'âme païenne, PL. III, p. 1007.
Liberté voir Salut
Luttedeclasse
Si j'étais un partisan déchaîné de la glorieuse Luttedeclasse, il y aurait un moyen : je me dirais que, sauf quelques boursiers miséreux, tous ces enfants assis sur leurs bancs à leurs tables devant moi sont des bourgeois, fils et petits-fils de bourgeois, que je dois donc les abrutir et non pas les enseigner, pour précipiter la ruine et pour avancer la corruption intérieure de cette infâme société bourgeoise, qui, à ce que nous ont assuré les orateurs des réunions publiques, travaille de ses propres mains à sa propre destruction. Ce serait un sabotage d'un nouveau genre. Je ne préparerais pas mes leçons. Je ne corrigerais pas ou je corrigerais mal mes devoirs. J'aurais ainsi beaucoup de temps de reste.
Lettre du Provincial, PL. I, p. 288.
Car non seulement la lutte de classe n'a aucune valeur socialiste, mais elle n'a même aucun sens qui soit socialiste. Toute guerre est bourgeoise, car la guerre est fondée sur la compétition, sur la rivalité, sur la concurrence ; toute lutte est bourgeoise, et la lutte de classe est bourgeoise comme les autres luttes.(…) En ce sens la lutte de classe est pour tout socialiste un pis-aller bourgeois. Il est donc permis de désirer, d'espérer que la révolution sociale ne sera pas faite ainsi, qu'elle sera constituée par l'universalisation d'une culture socialiste, c'est-à-dire harmonieusement humaine. C'est pour cela que, tandis que nous pouvons travailler dans la joie à faire la conversion des consciences, nous devons participer sans aucune joie à la lutte des classes : elle est pour nous comme un service militaire.
La Préparation du congrès socialiste national, PL. I, p. 357.

M

Métaphysique
Comme les grandes et profondes races, comme les grandes et vivantes nations, comme les peuples, comme les langages mêmes des peuples, parlés, écrits, comme les arts inventés les grandes métaphysiques ne sont rien moins que des langages de la création.
Cahiers de la quinzaine, PL. II, p. 657.
Quand nous voyons et quand nous constatons qu'une métaphysique - une religion - et qu'une philosophie est perdue, ne disons pas seulement qu'elle seule est perdue. Sachons voir et constater, osons dire qu'en face et par contre, ensemble et en même temps, c'est nous aussi, qui d'autant, sommes perdus.
Cahiers de la quinzaine, PL. II, p. 670.
Misère
La misère ne rend pas seulement les misérables malheureux, ce qui est grave ; elle rend les misérables mauvais, laids, faibles, ce qui n'est pas moins grave ; un bourgeois peut s'imaginer loyalement et logiquement que la misère est un moyen de culture, un exercice de vertu ; nous socialistes nous savons que la misère économique est un empêchement sans faute à l'amélioration morale et mentale, parce qu'elle est un instrument de servitude sans défaut. C'est même pour cela que nous sommes socialistes. Nous le sommes exactement parce que nous savons que tout affranchissement moral et mental est précaire s'il n'est pas accompagné d'un affranchissement économique.
De Jean Coste, PL. I, p. 1017-1018.
Le devoir d'arracher les misérables à la misère et le devoir de répartir équitablement les biens ne sont pas du même ordre : le premier est un devoir d'urgence ; le deuxième est un devoir de convenance ; non seulement les trois termes de la devise républicaine, liberté, égalité, fraternité, ne sont pas sur le même plan, mais les deux derniers eux-mêmes, qui sont plus rapprochés entre eux qu'ils ne sont tous deux proches du premier, présentent plusieurs différences notables ; par la fraternité nous sommes tenus d'arracher à la misère nos frères les hommes ; c'est un devoir préalable ; au contraire, le devoir d'égalité est un devoir beaucoup moins pressant ; autant il est passionnant, inquiétant de savoir qu'il y a encore des hommes dans la misère, autant il m'est égal de savoir si, hors de la misère, les hommes ont des morceaux plus ou moins grands de fortune ; je ne puis parvenir à me passionner pour la question célèbre de savoir à qui reviendra, dans la cité future, les bouteilles de champagne, les chevaux rares, les châteaux de la vallée de la Loire ; j'espère qu'on s'arrangera toujours ; pourvu qu'il y ait vraiment une cité, c'est-à-dire pourvu qu'il n'y ait aucun homme qui soit banni de la cité (…). Il suffit qu'un seul homme soit tenu sciemment, ou, ce qui revient au même, sciemment laissé dans la misère pour que le pacte civil tout entier soit nul ; aussi longtemps qu'il y a un homme dehors, la porte qui lui est fermée au nez ferme une cité d'injustice et de haine.
De Jean Coste, PL. I, p. 1033.
Miséricorde
Notre Père qui êtes aux cieux, mon fils a très bien su s'y prendre.
Pour lier les bras de ma justice et pour délier les bras de ma miséricorde.
Le Mystère des Saints-Innocents, PL. Poésie, p. 696.
Morale
La morale a été inventée par les malingres. Et la vie chrétienne a été inventée par Jésus-Christ.
L'Argent suite, PL. III, p. 929.
Ce qu'on nomme la morale est un enduit qui rend l'homme imperméable à la grâce.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1311-1312.
Mystique
Tout commence en mystique et finit en politique.
Notre jeunesse, PL. III, p. 20.

O

Opinion
Enfin la principale cause pour laquelle une affaire individuelle souleva le monde que l'assassinat d'un peuple avait laissé indifférent fut assurément que le monde n'était plus, à l'heure où l'affaire Dreyfus commença, le même qu'il était quelques années avant, quand le sultan rouge consommait l'affaire des Arméniens. Peu à peu une attention publique universelle s'était éveillée, une opinion publique universelle s'était pour le moins ébauchée. Que le remords d'avoir aussi lâchement laissé assassiner tout un peuple ait secoué l'Europe et le monde et lui ait donné comme le besoin d'avoir une opinion universelle siégeant comme tribunal suprême, il se peut. Que cette opinion soit justement née de ce remords et de ce besoin, au moins pour une part, nous le croyons. Toujours est-il que cette opinion s'est peu à peu constituée. L'affaire Dreyfus n'est pas la seule où elle soit intervenue, où elle ait exercé son autorité naissante. Elle a prononcé sur les tortures de Montjuich et sur l'oppression de la Finlande. L'affaire Dreyfus ne sera pas la dernière où elle prononcera. Car une véritable catholicité de la justice, une opinion de la terre habitée est dès à présent esquissée.
L'Affaire Dreyfus et la Crise du parti socialiste, PL. I, p. 230.
Ordre
Un fatras vivant vaut mieux qu'un ordre mort.
De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne devant les accidents de la gloire temporelle, PL. II, p. 704.
Orgueil
- Je vous avais demandé si vous n'aviez pas l'orgueil de celui qui n'est pas du troupeau.
- Et je vous répondais que je n'ai pas cet orgueil ; je ne crois pas que la minorité ait plus forcément raison que la majorité ; cela dépend des espèces ; il n'y a que la raison qui ait forcément raison.
La Préparation du congrès socialiste national, PL. I, p. 349.

P

Paradis
Tel est mon paradis, dit Dieu. Mon paradis est tout ce qu'il y a de plus simple.
Rien n'est aussi dépouillé que mon paradis.
Aram sub ipsam au pied de l'autel même
Ces simples enfants jouent avec leur palme et avec leurs couronnes de martyrs.
Voilà ce qui se passe dans mon paradis. A quoi peut-on bien jouer
Avec une palme et des couronnes de martyrs.
Je pense qu'ils jouent au cerceau, dit Dieu, et peut-être aux grâces
(du moins je le pense, car ne croyez point
Qu'on me demande jamais la permission)
Et la palme toujours verte leur sert apparemment de bâtonnet.
Le Mystère des Saints-Innocents, PL. Poésie, p. 823.
Paternité
Demandez à ce père si le meilleur moment
N'est pas quand ses fils commencent à l'aimer comme des hommes,
Lui-même comme un homme,
Librement,
Gratuitement,
Demandez à ce père dont les enfants grandissent.
Le Mystère des Saints-Innocents, PL. Poésie, p. 739.
Philosophie
Une grande philosophie n'est pas celle qui prononce des jugements définitifs, qui installe une vérité définitive. C'est celle qui introduit une inquiétude, qui ouvre un ébranlement.
Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne, PL. III, p. 1269.
Poète
Rare est le vrai poète et le vrai philosophe, celui qui n'ignore pas, qui ne méprise pas le réel, celui qui s'en nourrit, qui en nourrit incessamment son œuvre, celui qui ne devient pas chef d'école, qui ne devient pas chef de parti, qui ne devient pas chef de poètes ou de philosophes ou de partisans, mais qui, resté homme libre, propose à des hommes qui restent libres une œuvre d'art, de poésie, de philosophie, d'action nourrie incessamment de la vie universelle.
" Action socialiste " par Jean Jaurès, PL. I., p. 208.
Un poète, connu, compris, classé, catalogué, qui gît imprimé aux rayons de cette stérile bibliothèque de l'Ecole normale et qui ne serait point quelque autre part, qui ne serait point couvé dans quelque cœur, est un poète mort.
Les Suppliants parallèles, PL. II, p. 376.
Politique
La politique se moque de la mystique, mais c'est encore la mystique qui nourrit la politique même.
Notre jeunesse, PL. III, p. 45.
Populaire
Un des moyens qui réussissent le mieux parmi les innombrables moyens heureux de l'éternelle démagogie consiste à lancer le populaire, préalablement entraîné, sur une minorité habilement circonscrite ; le populaire est naturellement lâche, comme l'homme ; comme il est naturellement bête ; il ne demande qu'à se ruer sur des minorités déterminées ; mais son bonheur est sans égal si on peut lui fournir en outre cette apparence, qu'en se ruant ainsi sur des minorités il se sacrifie noblement pour quelque grande cause, pour quelque salut de l'humanité ; triompher sur le plus faible ne procure qu'un bonheur mélangé ; mais tomber sur de plus faibles, et se représenter cette opération comme un grand sacrifice, un tel redoublement donne le bonheur pur.
Avertissement au cahier Mangasarian, PL. I, p. 1296.
Présent
Le présent n'est pas ce qui est historique sur une très mince épaisseur. C'est ce qui n'est pas historique du tout.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1411.
Penser au lendemain. Notre mort. En psychologie et en métaphysique étant, passant dans le présent nous ne considérons que l'instant d'après, l'être d'après, par besoin d'assurance et de tranquillité, et alors nous voyons, nous considérons le présent comme un récent passé, comme un dernier passé, mais comme un passé et nous le voyons lié, enregistré, mort. C'est la mort de la vie et de la liberté.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1417.
Le monde moderne et intellectuel ferait tout, (et il a tout fait), pour s'évader de la fécondité, de la liberté, de la vie, pour échapper à ce présent qui est fécond, libre, vivant. Il a tout fait pour échapper à la mouvance et à la présence du présent.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1421.
Progrès
C'est la théorie même et l'idée du progrès. (…) le grand triomphe du monde moderne : épargne et capitalisation, avarice, ladrerie, économie(s), cupidité, dureté de cœur, intérêt(s) ; caisse d'épargne et recette buraliste.
Clio, Dialogue de l'histoire et de l'âme païenne, PL. III, p. 1030.
Propagande
Je ne me suis jamais dit, avant un entretien : Attention ! tu vas faire de la propagande. Mais je vis en socialiste et je parle uniment en socialiste. Je ne traite jamais personne en propagandable ou propagandisable, je ne suis pas un propagandeur ou propagandiseur ou propagandisateur. (…) La propagandisation ainsi entendue comme ils veulent qu'on la pratique a toujours conduit à faire massacrer les impropagandisables par leurs anciens amis propagandisés.
Pour moi, PL. I, p. 678.
Public
Refaire un public en ce pays contre le perpétuel adultère d'âme ou de corps ou d'art ou de philosophie, contre le vice bourgeois, contre la démagogie populacière, contre le mensonge romantique, refaire un public ami de la vérité sincère, de la beauté sincère, un public peuple, ni bourgeois ni populace, ni faisandé ni brute, c'est la tâche redoutable où nous sommes attelés.
Personnalités, PL. I, p. 922.

Q

Quinzaine
Je ne suis pas très partisan des spéculations immenses, des contemplations éternelles. Je n'ai pas le temps. Je travaille par quinzaines. Je m'attache au présent. Il en vaut la peine.
Encore de la grippe, PL. I, p. 431.

R

Révolution
Une révolution est un appel d'une tradition moins parfaite à une tradition plus parfaite, un appel d'une tradition moins profonde à une tradition plus profonde, un reculement de tradition, un dépassement en profondeur ; une recherche à des sources plus profondes ; au sens littéral du mot, une ressource. (…) une révolution n'est vraiment et pleinement révolutionnaire et ne réussit comme révolution que si elle atteint, comme d'un coup de sonde, que si elle fait surgir et sourdre une humanité plus profonde que l'humanité de la tradition à qui elle s'oppose, à qui elle s'attaque.
Avertissement au cahier Mangasarian, PL. 1, p. 1305-1306.
Faire les frais d'une révolution économique, d'une révolution sociale, d'une révolution industrielle, pour dire le mot d'une révolution temporelle pour le salut éternel.
Notre jeunesse, PL. III, p. 101.

S

Saints
Il y a des saints que je nommerai des saints de béatitude et pour ainsi dire d'anticipation. Et il y a des saints de militation qu'on pourrait nommer des saints de misère et de peine, et presque des saints d'amertume et d'ingratitude. Les premiers seraient les plus beaux et les plus grands. Mais Jésus est plus proprement le patron et le modèle des derniers.
(Dans cette catégorie de classement. Car il y a une autre catégorie de classement où c'est au contraire Polyeucte qui marche avec Jésus comme n'ayant eu aucune part au gouvernement temporel et Jeanne d'Arc marche avec saint Louis comme ayant eu partielle ou totale part au gouvernement temporel.
Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, PL. III, p. 1393.
Salut
Tel est le mystère de la liberté de l'homme, dit Dieu,
Et de mon gouvernement envers lui et envers sa liberté.
Si je le soutiens trop, il n'est plus libre
Et si je ne le soutiens pas assez, il tombe.
Si le soutiens trop, j'expose sa liberté
Si je ne soutiens pas assez, j'expose son salut :
Deux biens en un sens presque également précieux.
Car ce salut a un prix infini.
Mais qu'est-ce qu'un salut qui ne serait pas libre.
Comment serait-il qualifié.
Nous voulons que ce salut soit acquis par lui-même.
Par lui-même l'homme. Soit procuré par lui-même.
Vienne en un sens de lui-même. Tel est le secret,
Tel est le mystère de la liberté de l'homme.
Tel est le prix que nous mettons à la liberté de l'homme.
Parce que moi-même je suis libre, dit Dieu, et que j'ai créé l'homme à mon image et à ma ressemblance.
Science
L'idée de derrière la tête de la science moderne, c'est de se substituer à la métaphysique, de l'éliminer sans doute, mais en un sens autre que celui qu'elle dit. Elle se donne l'apparence de l'éliminer par une grande considération de respect ; de ne la mettre de côté que pour la mettre comme dans un sanctuaire ; en réalité elle ne l'élimine ainsi qu'avec, bien, l'espoir secret qu'ainsi mise de côté, elle tombera au rebut. Cette idée de la science moderne est de se substituer à la métaphysique, non pas seulement de la mettre de côté, de la décliner, puis de vivre, de prospérer, de travailler tranquillement et libre à côté d'elle ; mais l'idée de la science moderne est de se substituer entièrement à elle, de la supplanter, de se mettre totalement et complètement à sa place, au titre de la constitution d'un système du vrai se substituant à la recherche du réel.
Brunetière, PL. II, p. 623.
Socialisme
Ainsi Jaurès n'est pas devenu socialiste par un coup de la grâce, par la lecture d'un livre, par la vue d'un homme, ou par un événement particulier. Même on peut dire qu'il n'est pas devenu socialiste. Il a toujours été socialiste, au sens large de ce mot. La culture générale qu'il avait reçue, la philosophie qu'il enseignait enveloppaient déjà le socialisme qui n'avait plus qu'à se développer et à s'armer. De même que toute civilisation harmonieuse, achevée sincèrement, aboutit à l'établissement de la cité socialiste, de même toute culture vraiment humaine, vraiment harmonieuse, achevée sincèrement, aboutit à l'établissement de la pensée socialiste dans la conscience universelle.
La Préparation du congrès socialiste national, PL. I, p. 354.
Et cette idée, que la socialisation de l'enseignement, que l'universalisation d'une culture humaine suffirait à réconcilier toutes les anciennes classes dans l'humanité de la cité socialiste n'est pas pour nous déplaire.
La Préparation du congrès socialiste national, PL. I, p. 356-357.
Mais il est incontestable que dans tout notre socialisme même il y avait infiniment plus de christianisme que dans toute la Madelaine ensemble avec Saint-Pierre de Chaillot, et Saint-Philippe du Roule, et Saint-Honoré d'Eylau. Il était essentiellement une religion de la pauvreté temporelle.
Notre jeunesse, PL. III, p. 85.

T

Tradition voir Révolution
Travail
Je me rappelle, autant que je le puis, les ouvriers des anciennes générations, ces vieux artisans honnêtes et attentifs, ponctuels et sérieux, précautionneux, dont j'ai pu tout petit apercevoir les derniers survivants, recevoir les suprêmes exemples, ces véritables artistes, honnêtes et parfaits, qui avaient une si entière exactitude, une si exacte ponctualité, une passion si dévorante et ensemble si mesurée de leur travail. (…) Ces anciens ouvriers, ces véritables révolutionnaires, ces hommes d'expérience et de réalité, ces hommes de bonne vie, ces grands hommes et ces grands citoyens eussent considéré comme ce qu'il est, comme un crime, les malversations du moderne sabotage. Un instinct profond, un instinct d'expérience et de réalité les avertissait, ces vieux Français, ces vieux révolutionnaires, que tout est perdu, dans l'ordre du travail, et particulièrement dans l'ordre de la révolution, qui était évidemment pour eux un cas particulier de l'ordre du travail, quand on a perdu le sens et le goût du travail.
Cahiers de la quinzaine, PL. II, p. 456-460.

U

Unité
Je n'éprouve aucun besoin d'unifier le monde. Plus je vais, plus je découvre que les hommes libres sont variés. Ce sont les esclaves et les servitudes et les asservissements qui ne sont pas variés, ou qui sont le moins variés. Les maladies, qui sont en un sens des servitudes, sont beaucoup moins variées que les santés. Quand les hommes se libèrent, quand les esclaves se révoltent, quand les malades guérissent, bien loin qu'ils avancent dans je ne sais quelle unité, ils avancent en variations croissantes. Les élèves à l'école ou au catéchisme sont beaucoup plus près de l'unité. L'adolescence n'est pas seulement de la croissance en âge et en grandeur et en sagesse : elle est avant tout la croissance en variété. Les ouvriers écrasés de fatigue sont en général beaucoup plus près d'une certaine unité. A mesure que la révolution sociale affranchira l'humanité des servitudes économiques, les hommes éclateront en variétés inattendues.
Casse-cou, PL. I, p. 711.

V

Vertus
Les quatre Cardinales
S'en vont à Rome.
Les trois Théologales
Sauvent leur homme.
La Ballade du cœur qui a tant battu, PL. Poésie, P. 1381.
Vérité
Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste : voilà ce que nous nous sommes proposés depuis vingt mois.
Lettre du Provincial, PL. I, p. 291-292.
Ville
Les villes, mon ami, les villes enfin, les villes de reconcentration, les marmoréennes et les mémoratoire, les lapidaires et les (grandes) métaphysiciennes, les villes au front couronné de créneaux, les villes, mon ami, et l'âge des villes, de ces êtres que sont les villes ? Quelles villes étrangères, mon ami, quelle ville américaine, et en Europe quelle ville prussienne remplacera jamais, et par quoi, le recul formidable, l'arriéré, le vieillissement, les vingt-huit siècles de Rome, les vingt siècles de Paris ?
Dialogue de l'histoire et de l'âme charnelle, PL. III, p. 625.

Z

Zywaès
Il se nommait Bournon, Bourdon, Bourmont, on ne savait pas au juste ; mais il était inscrit sur les contrôles du Parti sous son pseudonyme de Zywaès ; tel était son pseudonyme de journaliste et d'homme politique, d'orateur et d'écrivain, de perpétuel candidat, d'élu éminent ; il signait Zywaès tous ses articles et tous ses discours ; et nul ne le connaissait que sous ce nom de Zywaès ; un tel nom était devenu rapidement célèbre ; et son auteur, pardieu, l'avait bien choisi pour cela ; c'était un nom en effet qui se fixait ineffaçablement dans les mémoires ; ce Bourdon était un profond psychologue ; il n'ignorait pas combien cette désinence retentissante en ès avait fait pour la gloire et pour le retentissement du grand Jaurès ; il fallait donc aussi une désinence en ès ; mais surtout il fallait demeurer le dernier sur toutes les listes, scrutins et communications qui seraient établis en suivent l'ordre alphabétique ; il imagina donc de faire commencer son pseudonyme par un z, suivi d'un y, lui-même suivi d'un w ; retranché derrière ces trois lettres indéplaçables, il ne redoutait plus personne et il se paya l'ironie de pouvoir mettre un a, première lettre de l'alphabet, pour la voyelle qu'il était bien forcé de mettre avant la désinence obligatoire ; ainsi constitué, il pensa bien qu'il était le dernier dans tous les dictionnaires alphabétiques de toutes les langues du monde ; il oublia que l'homme ne se peut jamais assurer de rien.
Heureux les systématiques, PL. II, p. 242.