Après La Croix il y a quelques jours, le Figaro vient de consacrer une double page à Charles Péguy (Le Figaro Littéraire en date du 6 février). Le dossier s'appuie sur un constat : "(Péguy) n'a jamais été autant cité et revendiqué par des personnalités de tous bord". Mais qui sont ces péguystes ? Et qu'aiment-ils chez Péguy ? Jean-Marc Bastière apporte quelques éléments de réponse.

Extraits de l'article :

« Tué il y a cent ans, le 5 septembre 1914, d'une balle dans la tête, le poète et penseur Charles Péguy est mort plusieurs fois depuis un siècle. On l'a détourné, oublié, méprisé. De faux amis cléricaux, le défigurant, ont voulu s'approprier son cadavre, le conserver dans le formol. On l'a précipité depuis dans la fosse commune de la "France moisie", réactionnaire. Et pourtant il ressuscite, toujours. Comme aujourd'hui. (…)

Aujourd'hui, on lui voue un culte secret, solitaire, fervent. Ce n'est pas un esprit de chapelle, plutôt de catacombes. Cela passe par la découverte de ses textes, un tête-à-tête. La pensée toujours neuve de Péguy lave notre regard tandis que sa langue, litanique, nous ensorcelle. (…)

Péguy revient de loin. Ce n'est pas une vaguelette portée par l'air du temps que son retour, mais un mouvement de fond puissant. »





Parmi les "nouveaux péguystes" cités dans Le Figaro, il y a :

- le philosophe Alain Finkielkraut, « tête de proue des héritiers de Péguy »

- le journaliste Edwy Plenel, « trotsko-péguyste »

- l'ancien ministre de la Défense Charles Millon

- l'homme d'affaires converti à la politique Charles Beigbeder

- le président du parti centriste Modem François Bayrou

- le sénateur Jean-Pierre Sueur, « spécialiste d'Ève, le poème des éternels recommencements »

- les romanciers Michel Houellebecq et Yann Moix

- l'éditorialiste Jacques Julliard...





Sur cette variété des "péguystes", le journaliste du Figaro a interrogé l'essayiste (et membre de l'Amitié Charles Péguy) Benoît Chantre, auteur d'un tout récent ouvrage : « Péguy point final » (éditions Le Félin, 2014).

« L'originalité de Péguy justifie-t-elle des péguystes venus d'horizons différents ?

- A condition qu'ils consonent, bien sûr ! Mais les péguystes se sont beaucoup chamaillés depuis un siècle. Une fois le père bien enraciné, chacun est allé exhumer de cette œuvre complexe et dense des morceaux choisis. Cela permettait d'insister sur le Péguy patriote pour oublier le collectiviste, de célébrer l'anarchiste pour étouffer le catholique, etc. En réalité, cela permettait de se faire entendre, mais pas d'entendre Péguy. Son heure est heureusement venue. Péguy a laissé parler ceux qui parlaient de lui. Il va maintenant parler tout seul. »