Les dernières heures du lieutenant Péguy

Notes des internautes : Note moyenne 2 Voir les avis des internautes (3)

Le 01/08/2014

Image :


Charles Péguy est mort début septembre 1914 aux abords du village de Villeroy. Une balle en pleine tête, alors qu'il commandait ses hommes. Avec l'historien Jean-Pierre Rioux, nous avons suivi ce que furent ses dernières semaines (voir ici). A présent, les dernières heures du lieutenant Péguy. C'était le samedi 5 septembre 1914... Récit.



« L'armée Maunoury se met en marche par un petit matin du 5 embrumé et bien vite sous grand soleil. (...) Elle s'achemine plein est, vers le plateau ondulé du Multien blotti entre Brie et Valois et qui ouvre sur l'hémicycle des vallées de l'Ourcq et de la Marne.

(...)

Vers 14h30, dans le creux de terrain surchauffé du puits de Puisieux, les hommes et Péguy lui aussi se désaltèrent, remplissent les bidons après que Tellier a assuré que les Allemands n'ont pas empoisonné l'eau. Repartis vers 15h30, déjà déployés en tirailleurs, ils traversent des avoines au-devant de Villeroy, cette fois sous le feu direct des Allemands postés derrière les peupliers qui bordent le ru, là-bas, tandis que sur les pentes de Monthyon les fourmis grises se replient semble-t-il. Ils arrivent en vue de la route d'Iverny-la Bascule, l'actuelle D27. Avec les autres compagnies à sa gauche et assez en pointe, la 19e, elle, parvient aux environs du croisement de cette route d'Iverny et de celle menant à Chauconin (notre D129), derrière le gros tremble qui a donné son nom au carrefour où s'élève aujourd'hui la stèle commémorative. (...) C'est alors que tout se précipite.

Vers 16h45, de sa droite surgit en effet au galop, jument arabe et burnous blanc qui firent vive impression, le lieutenant Marché, officier des tabors. Hurlant "A l'attaque !" (...)

A 17 heures, sifflets, "attention aux commandaments !" et "en avant !" La vague bleue et rouge du bataillon se met à rouler, compagnie par compagnie, en ligne avec espacements conformes au règlement, comme les autres fois à Coulommiers ou en Lorraine.

(...)

Comment progresser, s'alarme Boudon, "en unique vague d'assaut, sans une ligne de soutien en arrière sur un terrainoù en pente et la grande visibilité de nos uniformes font de nous autant de superbes cibles" ? Parmi les morts épars, fauchés par les rafales au "bruit d'abeille" des balles, tombent bien vite le capitaine Guérin, le lieutenant de la Cornillère, l'adjudant qui le remplace et le "turco" Marché démonté qui a tenu à rester sur place en prenant un commandement, tous "tués raides" au sortir de la route.

(...)

Guérin et la Cornillère tués, Péguy était resté droit, au bout de la chaîne de ses hommes, "la lorgnette à la main, dirigeant notre tir". Après les deux bonds dans les betteraves, il est toujours debout "malgré nos cris de 'Couchez-vous !'. Et Boudon de poursuivre : "la voix du lieutenant crie toujours . 'Tirez, tirez, nom de Dieu !' D'aucuns se plaignent : 'Nous n'avons pas de sac, mon lieutenant, nous allons tous y passer !' - 'Ca ne fait rien, crie Péguy dans la tempête qui siffle, moi non plus je n'en ai pas, voyez, tirez toujours !'"

(...)

C'est dressé qu'il reçoit une balle en plein front. Boudon, sans l'avoir lui-même perçu, atteste qu'"un voisin, couché l'entend qui murmure en s'abattant : 'Ah ! Mon Dieu... Mes enfants'."

(...)

Il est 17h30. Péguy a tenu une demi-heure sous le feu. En vain. Il est tombé tout entêté d'un règlement qui stipule que "si, malgré toute leur volonté de gagner du terrain, certaines fractions de la chaîne ne peuvent vaincre les résistances opposées et donner l'assaut, elles s'accrochent au sol et continuent à agir par le feu" et que "le chef de section se tient en tête de sa troupe et la guide", puisqu'en toutes circonstance il "entraîne sa section en avant". Ce qui veut dire, implicitement, en restant debout.

Le lieutenant Péguy a été un "tué à l'ennemi" comme tant d'autres, dira sa fiche individuelle. Mort règlementaire donc, mort exemplaire d'officier, mort par devoir patriotique. Mort impromptue aussi, à une heures où les certitudes des chefs sont ébranlées et où les civils en uniforme découvrent une guerre qu'ils n'attendaient pas. Mort sans Ourcq à l'horizon, ni espoir de victoire. Mais mort au premier combat à découvert, face à un ennemi enfin visible ; mort à l'ancienne, à la loyale et pour l'honneur, telle que Péguy l'a toujours envisagée. »



Jean-Pierre Rioux



Source :

La mort du Lieutenant Péguy, Jean-Pierre Rioux, Editions Tallandier, 2014 (reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur).





Avis sur cette article : 3 | Donner son avis Voir tous les avis Retour aux actualités

Par : serge / Bismuth

Note : Note 5

Titre : Merci

Avis : Bonjour,



Quel Courage et quel Amour de la France, un exemple

a suivre, je suis trop ému pour continuer a écrire.

Mr Péguy merci j’espère que vous avez trouver la Paix

serge

Par : maurice wylleman

Note : Note 1

Titre : Charles peguy -l'exemple -

Avis : ous sommes l'association des amis et pélerins du westhoeck d'Hondshoote et inaugurons notre gite d'étape

pour les pélerins , randonneurs , vers compostelle ,rome ,jérusalem ce samedi 6 septembre.Cette inauguration se fait lors de la traditionnelle Karyole Feest qui attire des milliers de personnes en flandre du westhoek Sur le chemin de Santiago que nous éffectuons à pieds nous évoquons bien souvent La petite éspèrance.

Ce texte à l'occasion du centenaire de la mort de charles Peguy sera repris en conclusion de la cérémonie d'inauguration.

Souvenir émouvant empreint de forte éspèrance.

bonne réussite à vous-Cordialement - Maurice Wylleman

site:pelerinsduwesthoek@orange.fr