L'hommage de Bourg-la-Reine à Péguy

Le 25/10/2014

Image : 100 ans après le début de la Grande guerre, la ville de Bourg-la-Reine a rendu hommage aux siens tombés pour la France. Parmi eux, Charles Péguy. L'écrivain et les siens résidaient dans cette commune du sud de Paris. Plusieurs manifestations étaient organisées à l'occasion des "Journées du patrimoine" : exposition, dévoilement d'une plaque commémorative, lectures, conférences et édition d'une brochure spéciale. Pour le maire Jean-Noël Chevreau, il s'agissait de « (s') acquitter de notre devoir de mémoire et de notre dette envers tous les combattants réginaburgiens, en rendant en même temps un vibrant hommage au plus célèbre l'entre eux, Charles Péguy ». Pour évoquer cet hommage, nous reproduisons ci-dessous plusieurs extraits des documents publiés par la municipalité et par le diocèse.





Sommaire

1/ "L'annonce du décès du lieutenant Péguy à sa famille", dans la brochure Bourg-la-Reine et la Grande Guerre.

2/ Témoignage d'Odile Giraud Péguy, dans le magazine municipal Bourg-la-Reine Magazine.

3/ "Péguy, la clarté du regard", dans le bulletin paroissial Dialogue.



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1/ Brochure Bourg-la-Reine et la Grande Guerre



A l'occasion du centenaire du début de la Première Guerre mondiale, la ville de Bourg-la-Reine a réalisé et édité une très belle brochure intitulée Bourg-la-Reine et la Grande Guerre, une ville et ses soldats, un homme : Charles Péguy. Cet ouvrage rassemble de nombreux documents datant de 1914, illustrant la vie de la commune durant cette période. Le livret accorde une place de choix à Charles Péguy. Jean-Pierre Rioux dresse ainsi le portrait du "soldat Charles Péguy", Claire Daudin évoque longuement "l'écrivain". Et puis il y a la double page illustrée par des reproductions de lettres, qui retrace "L'annonce du décès du lieutenant Péguy à sa famille". C'est cette partie que nous reproduisons ci-dessous.



« A Bourg-la-Reine, sa famille est sans nouvelle depuis plus de trois se,aines. En effet, la dernière lettre que le lieutenant Péguy avait adressé à sa femme datait du 27 août; elle était très concise :

"aujourd'hui 27 août rien de nouveau. Santé parfaite. Ne manquez pas d'écrire régulièrement à ma mère. je vous embrasse fidèlement

votre Péguy
"

Le 15 septembre, son épouse passe par la voie réglementaire pour obtenir des informations de la part des autorités militaires : elle vient remplir en mairie le formulaire mis à disposition des familles de soldats.

La réponse n'est reçue que le 3 octobre 1914 avec la mention "aucune nouvelle, présumé en bonne santé". Entre-temps, l'annonce de sa mort était tombée.

Dès le 17 septembre, la presse nationale parle de la disparition de Charles Péguy. Toujours sans aucune certitude, la famille s'inquiète, aucun avis officiel de décès ne lui est parvenu.

Le lendemain, alerté par cette situation insoutenable, me maire adresse un télégramme directement au ministre de la Guerre : "Le Colonel Candelot maire de Bourg-la-Reine à Monsieur le ministre de la Guerre sur demande famille Péguy domiciliée à Bourg-la-Reine vous serait reconnaissant de  vouloir bien faire connaître si le Lieutenant Charles Péguy du 276ème Régiment d'Infanterie a été tué à l'ennemi plusieurs journaux parisiens ont annoncé son décès".

La réponse arrive le 21 septembre, le décès de Charles Péguy est confirmé et l'information transmise à la famille le jour-même. (…)

L'avis de décès émanant des autorités militaires est finalement reçu par la mairie le 10 octobre 1914.

Enfin, c'est le 26 novembre 1915 que la famille est informée de l'emplacement exact de la tombe de Charles Péguy.

L'exemple de l'annonce de la mort de Charles Péguy est très significatif de l'état de trouble de la Nation et de la désorganisation momentanée de l'armée. »





2/ Journal municipal Bourg-la-Reine Magazine



Dans son numéro de septembre, le journal d'information municipale de la commune Bourg-la-Reine magazine propose de nombreux articles présentant le programme des "Journées du patrimoine". Figure également une interview d'Odile Giraud Péguy, petite-fille de l'écrivain, qui habite à proximité de Bourg-la-Reine. Extraits :



« Comment vivez-vous cet héritage culturel en tant que petite-fille de Charles Péguy ?

Ne l'ayant pas connu, mon père non plus (Charles-Pierre est né en 1915 – NDLR), cet héritage culturel est, pour nous, purement "livresque". Fort heureusement, la maison de notre grand-mère, un peu plus loin vers le lycée Lakanal, nous laisse le souvenir d'un sanctuaire chargé de l'histoire familiale. Cet héritage, nous le devons aussi à notre tante, Germaine, fille de Charles, professeur de français au lycée Marie-Curie, "imbattable" sur l'œuvre de son père. Elle était pour nous, une "encyclopédie vivante". Cet héritage culturel se perpétue avec les précieux travaux menés par Jean Bastaire et grâce à tous les Péguystes.

Que représente à vos yeux les commémorations organisées par la ville de Bourg-la-Reine ?

De la fierté, partagée avec ses habitants. De la reconnaissance. (…) La ville de Bourg-la-Reine témoigne de l'intérêt qu'elle porte à la mémoire de Charles Péguy. Qu'elle en soit infiniment remerciée, de la part de la famille Péguy. »





3/ Bulletin paroissial Dialogue



Pour son numéro estival, le journal de la paroisse Saint-Gilles de Bourg-la-Reine consacre un dossier complet à Charles Péguy, sous le titre « Péguy, la clarté du regard ». Pourquoi ce titre ? François Denoël, un des auteurs du dossier, s'en explique en reprenant les mots de Simone Fraisse, célèbre péguyste, évoquant le fondateur des Cahiers de la Quinzaine : « un regard non émoussé, non habitué, un regard étonné ».

Péguy, un homme qui « refusait le "prêt à penser" », ajoute Isabelle Margerin, la rédactrice en chef de Dialogue dans son éditorial. « Son œuvre dépasse son époque et la nôtre et nous entraîne en avant, loin des musées où l'on voudrait l'embaumer », affirme-t-elle.

On lira avec intérêt quatre contributions. La première est signée Marie Boeswillwald. Elle développe la figure du père dans l'œuvre de Péguy. « Figure modèle incarnant la résistance à toutes les formes de paternalisme ou de démagogie dont souffre le monde moderne, le père sert de repoussoir à l’individualisme galopant. Ainsi Péguy renvoie-t-il dos à dos deux types de célibataires stériles, intellectuels misanthropes et clercs méprisant la chair, tâchant de leur faire comprendre que la paternité n’est pas le refuge des lâches que la vie, avec ses contraintes et son lot de responsabilités, effraye, mais une vocation à part entière, à la fois humaine et spirituelle  », écrit-elle.

Ensuite, Guy Coq propose une lecture de Péguy à travers Emmanuel Mounier, le fondateur de la revue Esprit. « Ce qui ressort de l’étude de la pensée de Péguy par Mounier, explique M. Coq, c’est l’immense talent de Péguy dans l’art d’éveiller son lecteur au travail de la pensée. »

Dans le troisième volet du dossier, Jean-Christophe Peyrard propose une vision de Péguy prophète. Selon lui, « Péguy mérite la désignation de prophète, au sens où prophétie ne signifie pas prédire l’avenir, mais savoir dans l’instant ce qui est juste aux yeux de Dieu. »

Enfin, Denis Labouret signe un article original sur "les rires de Péguy". Extrait : « La fin brutale de Péguy dans les premiers combats de 1914 a figé dans les mémoires l’image d’un patriote austère au destin tragique. Au risque d’occulter toute une vie de révolte et d’insoumission qui cadre mal avec cette pieuse légende. Au risque de faire oublier aussi la puissance de son humour, cette tonalité singulière qui rend aujourd’hui ses textes si vivants, si prenants. Car Péguy sait rire et faire rire : c’est l’une des marques de son indépendance d’esprit. »



Page réalisée par Olivier Péguy

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