Lyon : d'un centenaire à l'autre

Le 17/11/2014

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Les "Journées Charles Péguy" qui se sont tenues à Lyon du 12 au 14 novembre ont fait écho aux manifestations organisées 41 ans plus tôt, quasiment jour pour jour, à l'occasion du centenaire de la naissance de Péguy. Clin d'œil de l'histoire, c'est à la Bibliothèque municipale (qui venait d'emménager dans le quartier de la Part-Dieu) qu'avait eu lieu cet événement en décembre 1973. Cela avait consisté en une exposition itinérante (du 4 au 22 décembre), une séance de lectures de textes (le 15 décembre) et une conférence-débat (le 20 décembre). A l'origine de ces manifestations de 1973, un fidèle membre de l'Amitié Charles Péguy, René Bady. Nous avons retrouvé dans le feuillet N°199 de l'Amitié Charles Péguy (octobre 1974), la trace de cette série d'événements.






COMMUNIQUÉ À TOUS LES JOURNAUX (envoyé avant l'exposition)


L'exposition qui va s'ouvrir à la Bibliothèque Municipale (Part-Dieu) et qui s'y tiendra du 4 au 22 décembre inclus, est destinée à commémorer le centenaire de la naissance de Charles Péguy, né le 7 janvier 1873, mort le 5 septembre 1914. Cette exposition itinérante a été préparée et mise en circulation à travers la France par l'Amitié Charles Péguy et le Centre Charles Péguy d'Orléans. L'Amitié Charles Péguy, fondée en 1945 par M. Auguste Martin et qui a son siège à Paris, réunit tous ceux qui en France et à l'étranger, communient dans la fidélité au souvenir de Péguy, s'intéressent à son œuvre et en approfondissent la connaissance par des études et des recherches de plus en plus nombreuses. Recherches et études aujourd'hui facilitées, depuis qu'au Centre Charles Péguy a été constitué, d'abord par le dépôt des manuscrits de Péguy et celui des archives des Cahiers de la Quinzaine (la revue créée et gérée par Péguy entre 1900 et 1914), une documentation extraordinaire, telle qu'il en existe peu pour des écrivains de la même époque.


A Lyon, l'exposition, placée sous le patronage de la Municipalité (M. Pradel a bien voulu promettre de venir en personne l'inaugurer), a bénéficié de précieux concours, au premier rang desquels ceux de l'infatigable Conservateur de la Bibliothèque, M. Rocher, et de tous ses services. Elle tire un grand avantage -auquel on espère que le public sera sensible- de son installation dans les admirables locaux de la nouvelle Bibliothèque Municipale. Certes cette exposition n'a pas toute l'ampleur de celle qui va s'ouvrir à la Bibliothèque Nationale à Paris. Telle qu'elle est cependant, elle permet de se remémorer les grandes phases d'une existence exemplaire, depuis l'enfance de Péguy à Orléans dans la petite maison de sa mère la rempailleuse jusqu'à sa mort héroïque sur le champ de bataille de la Marne, en passant par ses brillantes études, sa participation au mouvement socialiste du début du siècle, l'affaire Dreyfus, la gérance des Cahiers et leurs campagnes incessantes en faveur de plus de liberté et de plus de justice, le réveil d'un patriotisme de plus en plus inquiété par la menace allemande, le retour à la foi, d'où sont sorties tant de grandes et belles œuvres poétiques. Par sa vie et par son œuvre, Péguy est un modèle d'écrivain « engagé ».


N.B. – L'exposition sera à la Bibliothèque même, complétée par une séance de lectures de textes par l'acteur Alain Cuny, le samedi 15 décembre à 15 heures, et par une conférence-débats ou table ronde, réunissant quelques-uns des meilleurs connaisseurs de Péguy (Jean Bastaire, André Devaux, Jacques Viard), le jeudi 20 décembre à 20 h 30.






■ DISCOURS PRONONCÉ PAR RENÉ BADY lors du vernissage de l'exposition à la Bibliothèque municipale de Lyon, le 7.12.1973


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■ COMMUNIQUÉ À TOUS LES JOURNAUX (envoyé après l'exposition)


"Regard sur le centenaire de Charles Péguy" par René Bady


Il aura été, tout compte fait, assez bien célébré à Lyon. L'exposition mise en circulation à travers la France par l'Amitié Charles Péguy et le Centre Péguy d'Orléans, accueillie dans les magnifiques locaux de la nouvelle Bibliothèque Municipale, honorée, le jour de son inauguration, de la présence effective du Maire et de plusieurs membres de la Municipalité, aura permis à ses visiteurs, par des images et des textes multipliés et par le montage audiovisuel qui en accompagnait la présentation, de découvrir ou de redécouvrir Péguy. Le samedi 15 décembre (à 15 heures et non à 15 h 30, comme certain journal l'avait annoncé), le grand acteur Alain Cuny aura donné une nouvelle preuve de son talent et de ses dons de tragédiens, en les mettant splendidement au service de la poésie et de la prose de Péguy. Grand exemple pour les étudiants du Conservatoire qui, entraînés sous la direction de Mme Berdin, réussirent eux-aussi – le jour de l'inauguration – par la lecture de quelques textes, à donner à la parole de Péguy sa pleine résonance. Enfin une soirée-débat ou table-ronde réunissait le jeudi 20 décembre au soir quelques-uns des meilleurs connaisseurs actuels de Péguy : Jacques Viard, professeur à l'Université d'Aix; André Devaux, professeur à la Sorbonne; Jean Bastaire, secrétaire général de l'Amitié Charles Péguy, auteur d'un livre irremplaçable, venu bien à son heure: Péguy tel qu'on l'ignore (coll. Idées, Ed. Gallimard). Et c'est bien en effet un Péguy généralement ignoré, enfin arraché aux images amoindrissantes ou déformantes trop répandues, qui fut présenté et commenté dans la perspective de son Actualité.


Un seul regret concernant ces manifestations, et tout particulièrement la dernière: c'est que le public lyonnais n'y soit pas venu en plus grand nombre. N'y aurait-il que si peu de Lyonnais, dans l'ensemble de la Société et même à l'Université, pour s'intéresser à l'histoire des idées et des lettres ? Ou bien serait-ce qu'une insuffisance, malheureusement trop réelle, dans l'information explique tant d'absences ? Peut-être aussi un certaine désaffection à l'égard de Péguy... Il faudrait pourtant se rendre à l'évidence qui frappe tous ceux qui l'étudient : c'est que Péguy est un des écrivain les plus considérables du début de ce siècle, d'une importance comparable en son genre à celle de Proust, - le modèle des écrivains engagés, bien avant Sartre, - le lucide et courageux dénonciateurs des tares du monde moderne, dont les révoltes et les luttes en faveur de plus de liberté et de plus de justice, ne sont pas sans rapports avec les pathétiques appels de Soljenitsyne.









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