"Le Monde" parle (enfin) de Péguy

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Le 02/12/2014

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En cette année 2014, le quotidien "Le Monde" avait été, jusque-là, plutôt discret au sujet de Péguy. Le centenaire de la mort de l’écrivain a pourtant donné lieu à de nombreux événements susceptibles d’intéresser ce journal "de référence". Il aura fallu attendre le 28 novembre pour que le supplément "Le Monde des Livres " consacre sa Une à Péguy, avec une riche présentation de la réédition des Œuvres poétiques et dramatiques dans la collection "La Pléiade " ("Péguy ne se résout pas", par Alexandre de Vitry) et un bel éditorial signé Jean Birnbaum et intitulé « Toute l’amitié du "Monde" ». Nous le reproduisons ci-dessous, avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l'éditeur.


 


Quand il évoquait le souvenir de Charles Péguy (1873-1914), l’écrivain Georges Bernanos ­parlait spontanément d’amitié, de présence secourable, de proximité maintenue : «  C’est un homme qui, mort, reste à portée de voix, et même plus près, à notre portée, à la portée de chacun de nous, qui répond chaque fois qu’on l’appelle. » Un ami fidèle, vers lequel il est toujours possible de se tourner : tel était, tel demeure le poète et pamphlétaire Péguy.


S’en remettre à lui, cent ans après sa mort sur le front de la Grande Guerre, c’est donc honorer la mémoire d’un ami. Le saluer dans les colonnes du Monde, c’est honorer un compagnon fondateur, puisque Hubert Beuve-Méry le citait par cœur et se réclamait de son Journal vrai dès lors qu’il fallait défendre la lettre et l’esprit de notre quotidien. Inscrire le nom de Péguy à la « une » du «  Monde des livres  », c’est se souvenir que, pour ce vieux camarade, l’amitié n’était ­pas seulement une manière d’être, mais une façon de lire, un engagement qui commandait toute ­relation authentique avec le texte.


Voyez le beau numéro que la revue Europe consacre à l’auteur de Notre jeunesse (nº 1024-1025, 384 p., 20 €). Outre un article d’Alexandre de Vitry, jeune chercheur qui soutient cette semaine sa thèse sur Péguy et ­signe aujourd’hui le compte rendu du volume de «  La Pléiade  », on y trouvera des contributions de ­Michel Jarrety et Jean-François Louette consacrées au «  geste critique  » de l’écrivain. Violemment hostile aux méthodes universitaires, Péguy défendait une ­expérience de lecture intuitive, qui consistait non pas à écraser l’écrivain sous une masse de fiches savantes, mais à entrer « dans une vie, dans la contemplation d’une vie, avec amitié ». Comme toujours avec Péguy, cette vision des choses avait ses excès, voire ses ambiguïtés. Mais sa prose majestueuse, insistante, doit encore et toujours nous guider quand il s’agit d’aller à la rencontre des textes, de marquer notre dette à leur égard et d’embrasser leur cause, en toute fraternité.


Jean Birnbaum 


Journaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"





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Par : Henri Crétella

Note : Note 2

Titre : La raison d'un retard à "l'hommage"

Avis : L'article de Birnbaum mérite attention uniquement par la révélation de l'importance de Péguy pour Beuve-Méry. Mais pour l'essentiel témoigne de la faible ou fausse réception de Péguy en France aujourd'hui. J'ai proposé la raison de celle-ci dans une "réaction" à l'autre article publié dans le même numéro du Monde. La voici telle qu'on peut désormais la retrouver sur le site Le Monde.fr



HENRI CRÉTELLA il y a 4 semaines

PÉGUY: UNE PENSÉE À DÉCOUVRIR DANS SON UNITÉ. Un siècle après, Péguy continue de subir les effets d'un double procès: politique et littéraire. Devant la postérité comme de son vivant, son oeuvre demeure déformée par un découpage formel en prose et poésie et son partage intellectuel en socialisme puis catholicisme - ses deux sortes de thuriféraires étant plus nocifs en l'occurrence que ses adversaires. L'économie de sa pensée reste ainsi à découvrir dans l'unité qui en constitue la nouveauté.