Péguy, Lonsdale et moi, par Pierre Fesquet

Le 26/02/2015

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Entre Péguy et Lonsdale, il y a manifestement un lien ancien et solide. Ce lien a été renforcé grâce au comédien Pierre Fesquet (à droite sur la photo), à l'origine du spectacle "Charles Péguy, poète entre ciel et Terre". Il raconte la genèse de ce récital et plus largement son attachement personnel à Charles Péguy dans le livre "Entre ciel et terre, Péguy" (Editions du Cerf, 2014). Il y signe la postface, qu'il nous a autorisée à reproduire ci-dessous.






En avril 2012, dans le cadre des fêtes de Jeanne d'Arc à Orléans, j'ai créé un spectacle poétique et musical, Nos voix pour Jehanne, dans lequel j'avais pour partenaires Marie-Christine Barrault et Michael Lonsdale.
Pour le centenaire de la mort de Charles Péguy, j'ai eu envie de monter un récital dans la même veine et le nom de Michael Lonsdale s'est imposé à moi comme une évidence : sa voix est faite pour dire Péguy.
Chaque représentation de notre récital – Charles Péguy, poète entre Ciel et Terre – est un moment unique grâce à la profondeur de cet artiste. C'est très émouvant, pour moi, d'alterner nos voix dans des passages comme ceux des Tapisseries : « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle », ou dans des textes conne « La Nuit », « La petite espérance », etc.
Michael offre au public une méditation à la fois grave et joyeuse de l'œuvre de cet immense écrivain. Parfois, il donne l'impression de prier en disant ces textes. Un jour, il me fit la même confidence que Péguy à son ami Joseph Lotte : « Je prie tout le temps. » Il y a du Péguy chez Michael !


Sur le plan personnel, Péguy m'a accompagné toute ma vie puisque mon enfance s'est déroulée à Orléans, la terre natale du poète. « L'adieu à la Meuse » fut ma première récitation apprise à l'école primaire. D'autres textes accompagneront ma scolarité jusqu'au lycée du Bourdon Blanc qui se trouve proche du quartier où Péguy naquit.
D'autres souvenirs me reviennent : l'amitié qui liait mon père à Roger Secrétain, maire d'Orléans, journaliste et écrivain mais surtout grand péguyste, à qui l'on doit le Centre Charles Péguy à Orléans, lieu qui est la « mémoire vivante » du poète.
Le personnage de Jeanne d'Arc a marqué ma mémoire d'enfant puisque j'ai assisté, comme Charles Péguy, aux fêtes de Jeanne d'Arc. Je me souviens du président François Mitterrand citant le poète d'Orléans dans son discours officiel.
Adolescent, j'ai participé à la procession de ces fêtes comme garde d'honneur de la bannière johannique, aux côtés d'invités religieux prestigieux comme le cardinal Lustiger, archevêque de Paris, en 1985.
Le monument de Charles Péguy à Orléans est aussi un souvenir très émouvant pour tout Orléanais. Lors des bombardements de juin 1940, un éclat d'obus est venu frapper ce buste à l'endroit même où Péguy fut touché, le 5 septembre 1914. Pour cette émouvante raison, le monument n'a jamais été rénové et l'on peut toujours voir ces deux impacts de balle.
Enfin, il y a peu de temps, au centre Charles Péguy, j'ai eu le bonheur et l'émotion de tenir entre les mains les dernières lettres de Péguy à son entourage, dont une lettre du 16 août 1914 qui dit à son amie Blanche Bernard :


Si je ne reviens pas, vous irez une fois par an à Chartres pour moi.


Pas de peur dans cette écriture.
Elle est nette, régulière. La forme des mots me faisait songer à la découpe droite des épis de blé dans les champs de Beauce...


Les soldats sont couchés pour le repos du monde
Les soldats sont couchés pour le repos des blés.


Pierre Fesquet





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