Un candidat FN à Villeroy : réactions de ‘L’Amitié Péguy’ et de la famille Péguy

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Le 10/11/2015

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L’annonce de la venue d’une délégation du Front national à Villeroy ce mercredi pour un hommage à Charles Péguy a suscité des réactions au sein de L’Amitié Charles Péguy et de la famille de l’écrivain. Cela se traduit dans le communiqué ci-dessous, ainsi que dans le texte (également ci-dessous) rédigé par la présidente de L’Amitié Charles Péguy.






                                                                                    COMMUNIQUÉ



Ce mercredi 11 novembre, une délégation du Front national emmenée par M. Walleyrand de Saint-Just se rend à Villeroy (Seine-et-Marne) pour un hommage aux victimes de la Première Guerre mondiale et notamment à l’écrivain Charles Péguy enterré là. M. Wallerand de Saint-Just conduit la liste du FN en Ile-de-France pour les prochaines élections régionales.



     ● Les responsables de L’Amitié Charles Péguy ainsi que les représentants de la famille de l’écrivain tiennent à indiquer ici qu’ils ne s’associent aucunement à ce déplacement organisé par le Front national.



     ● Les responsables de L’Amitié Charles Péguy ainsi que les représentants de la famille de l’écrivain déplorent toute tentative de récupération de la pensée de Péguy à des fins politiques. Au XXème siècle, la postérité de Péguy a été malheureusement marquée par des interprétations partielles, partiales et erronées de son œuvre, à des lectures partisanes, à des annexions. Depuis sa création en 1942, L’Amitié Charles Péguy s’emploie, à travers la publication de textes de Péguy et d’études sur Péguy, à éviter que la pensée du fondateur des Cahiers de la Quinzaine ne soit exploitée en mauvaise part.



     ● Les responsables de L’Amitié Charles Péguy ainsi que les représentants de la famille de l’écrivain soulignent que Charles Péguy, poète et polémiste, n’appartient à aucun parti. « Il n’est ni de droite ni de gauche » précise l’universitaire orléanais Géraldi Leroy dans une récente biographie de Péguy. Dès 1941, Jean-Marie Domenach, alors jeune résistant, disait de Péguy qu’il est « l’ennemi de tout parti, de toute chapelle, lui l’isolé, le renégat ». « Péguy l’indomptable », écrivait en écho, en 2000,  l’intellectuel Jean Bastaire, ancien secrétaire de L’Amitié Charles Péguy.



     ● Les responsables de L’Amitié Charles Péguy ainsi que les représentants de la famille de l’écrivain rappellent qu’ils s’associent chaque année, début septembre, à la cérémonie officielle organisée à Villeroy par les autorités locales pour commémorer le souvenir de la mort de Charles Péguy, le 5 septembre 1914. Cette cérémonie officielle n’a aucun caractère politique.



                                                                Fait à Paris, le 10 novembre 2015



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Penser ensemble « la cité harmonieuse » et « le peuple français »



Par Claire DAUDIN



     L’hommage rendu par le Front national en ce 11 novembre 2015 à l’écrivain Charles Péguy mort au champ d’honneur le 5 septembre 1914, m’incite à formuler, plutôt qu’une protestation sous la forme d’un communiqué, ce qui est au cœur de la pensée politique de Péguy et la rend si difficile – ou si facile – à récupérer.



     Péguy avait en horreur « l’esprit de système ». Il fut l’une des consciences européennes les plus précoces à dénoncer « pensée unique » et « totalitarisme », avant que ces expressions n’existent, voire avant même que les maux qu’elles recouvrent n’aient obscurci l’histoire du XXème siècle. Ainsi sa Réponse brève à Jaurès (1900) nous fait-elle pressentir les ravages de « l’art socialiste ». On comprend qu’il ait été mis à l’index par une gauche insuffisamment préparée à l’autocritique. Aujourd’hui, dans le contexte de ce 11 novembre et d’une situation de crise culturelle profonde, je voudrais revenir sur la question de l’identité nationale, qui provoque l’indignation des uns et la nostalgie des autres.



     En 1939, Bernanos écrivait Nous autres Français, pour appeler ses compatriotes au refus des totalitarismes. En 2015, ces trois mots, il n’est pas un intellectuel, pas un homme politique pour les prononcer sans prendre le risque d’être conspué par… qui au juste ? La bien-pensance politique et médiatique, nous contenterons-nous de répondre. Péguy, quant à lui, écrit un hymne au peuple français dans Le Mystère des saints Innocents (1912) qu’il n’hésite pas à placer dans la bouche de Dieu, et qui se conclut ainsi : « C’est embêtant, dit Dieu. Quand il n’y aura plus ces Français, / Il y a des choses que je fais, il n’y aura plus personne pour les comprendre¹. » Cette prédilection est longuement justifiée. « Ils ont la liberté dans le sang » déclare Dieu à propos des Français, cette liberté de l’homme qu’il regarde comme sa « plus grande invention ». « Peuple intelligent », « peuple laborieux », « peuple soldat, dit Dieu, rien ne vaut le Français dans la bataille », « peuple gratuit », « peuple qui lève la tête », « peuple qui sait parler aux grands ». Peuple qui donne avec libéralité et ne marchande pas. On aimerait se reconnaître dans les paroles du poète. « Quant à l’espérance, il vaut mieux ne pas en parler, il n’y en a que pour eux. »



Il paraît que tout ce qui relève de l’identité nationale n’est que « baratin », destiné à produire de l’exclusion et de la violence. La négation de l’identité n’est-elle pas, elle aussi, source de violence ? N’entraîne-t-elle pas fatalement la peur de l’autre qui, lui, n’hésite pas à s’affirmer, ou se revêt malgré lui des oripeaux de nos craintes et de nos fantasmes ? Quand Péguy se livre à cet éloge des Français, il en connaît bien toutes les déficiences, et ce n’est pas pour rien qu’il attribue son panégyrique à un Dieu père et miséricordieux. Surtout, il ne pare pas ses compatriotes de qualités singulières, liées au sol et au sang, le différenciant des autres peuples. Ce sont au contraire des qualités universelles, et que l’humanité peut se souhaiter à elle-même, dont Péguy dote les Français. Ainsi rejoint-il, dans cet hymne qu’on aurait pu croire cocardier, chauviniste, xénophobe, l’utopie de sa jeunesse, celle de Marcel, Premier Dialogue de la cité harmonieuse. Lors de sa journée annuelle de commémoration sur la tombe de Péguy, le 6 septembre dernier, L’Amitié Charles Péguy avait choisi de lire la page la plus célèbre de ce texte :



     « Ainsi tous les hommes de toutes les familles, tous les hommes de toutes les terres, des terres qui nous sont lointaines et des terres qui nous sont proches, tous les hommes de tous les métiers, des métiers manuels et des métiers intellectuels, tous les hommes de tous les hameaux, de tous les villages, de tous les bourgs et de toutes les villes, tous les hommes de tous les pays, des pays pauvres et des pays riches, des pays déserts et des pays peuplés, tous les hommes de toutes les races, les Hellènes et les Barbares, les Juifs et les Aryens, les Latins, les Germains et les Slaves, tous les hommes de tous les langages, tous les hommes de tous les sentiments, tous les hommes de toutes les cultures, tous les hommes de toutes les vies intérieures, tous les hommes de toutes les croyances, de toutes les religions, de toutes les philosophies, de toutes les vies, tous les hommes de tous les Etats, tous les hommes de toutes les nations, tous les hommes de toutes les patries sont devenus les citoyens de la cité harmonieuse, parce qu’il ne convient pas qu’il y ait des hommes qui soient des étrangers.

Aucun vivant animé n’est banni de la cité harmonieuse²



     « Peuple français » et « cité harmonieuse » ne sont pas antithétiques. Péguy s’est toujours réclamé d’une fidélité à soi-même qui transcende ses apparentes contradictions. Il est bien à la fois socialiste et chrétien, essayiste et poète, Français et prophète de la cité dont nul n’est étranger. C’est peut-être que pour concevoir cette cité, pour l’annoncer, pour travailler à son avènement en fondant sa revue, les Cahiers de la Quinzaine, qu’il se représentait comme « ce qu’il y a de plus beau au monde : une amitié, et une cité », il a fallu que Péguy soit ce petit Français élevé par une mère et une grand-mère du peuple, instruit par l’Ecole de la République, initié aux Humanités par ses maîtres de l’Ecole normale supérieure, ayant pour modèle d’engagement cette Jeanne d’Arc qui avait délivré sa ville natale et tenu tête aux puissants jusqu’au sacrifice suprême.



Penser ensemble le « peuple  français » et la « cité harmonieuse », Péguy nous y invite dans une démarche salvatrice, porteuse d’espérance, qui nous libèrerait des impasses du « multiculturalisme » et du « repli identitaire ».





                                                  Claire Daudin



                                                  Présidente de l’Amitié Charles Péguy

                                                  Directrice de l’édition des Œuvres poétiques et dramatiques de Charles Péguy dans la Pléiade.





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¹ Charles Péguy, Le Mystère des saints Innocents, Œuvres poétiques et dramatiques, Gallimard, coll. "Bibliothèque de la Pléiade", sous la direction de Claire Daudin, 2014, p. 843.



² Marcel, Premier dialogue de la cité harmonieuse, 1898, Œuvres en prose complètes, Gallimard, coll. "Bibliothèque de la Pléiade", sous la direction de Robert Burac, 1987, volume I, p. 56.



 


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Par : Deloire Charles

Note : Note 1

Titre : L'amitie Charles Péguy a les mains pures mais elles n'a pas de mains

Avis : Charles Péguy n'appartient pas au Front National.



Mais en quoi la précense d'un membre du FN, si elle est discréte est-elle choquante ?



Jouer les Sainte-Nitouche comme le fait l'Amitié dans sa peur de l'amalgame Péguy-collaboration n'est pas courageux, elle céde trop au politiquement correct.



Si le FN ne peut, et sans doute ne veut, annexer Péguy, il y a pourtant dans son programme souverainiste, dans certains de ses accents Gaullistes récents, dans le sentiment d'affection vrai pour le pays, certainement plus d'éléments d'une politique reprenant des éléments de la pensée de Péguy que le marais centriste, européiste, moderniste qui creuse l'ornière de la poltique des partis de gouvernement.



Le FN a les mains dans le cambouis, il a parfois les mains salies mais il a des mains.

Au lieu de s'offusquer de la présence d'un élu FN on devrait au contraire se féliciter du retour par cette présence même, dans cet hommage au plus Républicain vrai de nos maîtres, du retour dans le lit de cette République une et indivible, notre royaume de France, de ses fils peut être un temps perdus.



Comme ce communiqué a manqué.

Par : InderAmy nelly

Note : Note 1

Titre : Avis

Avis : Ne me dites pas qu'il n'était pas de droite !!!

J'ai découvert, dans une émission sur la guerre de 14/18 qu'il avait dit " Quand la mobilisation sera décrétée, il faudra éliminer Jaurès ". Ce dernier à été assassiné fin juillet 1914. Je ne dis pas qu'il est responsable, mais détester un homme comme JAURES au point de vouloir qu'il disparaisse, c'est ne pas être loin de l'extrème droite !