Disparition de Paul Arnaud

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Le 17/01/2013

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Nous avons appris la disparition, samedi 12 janvier, de Paul Arnaud, membre du conseil de direction de l’Amitié Charles Péguy (à gauche sur la photo, en compagnie de son épouse Kang, de leur fille Suzanne et d'un ami Jean-Yves Caradec). Il est décédé à l'âge de 74 ans des suites d’un cancer foudroyant. Ses obsèques seront célébrées mardi 22 janvier à 10h30 en l’Eglise Saint-Paul, 55 boulevard Emile Zola à Nanterre. L’inhumation aura lieu ensuite à l’Ancien cimetière de Nanterre, 111 rue de Courbevoie à Nanterre. L’Amitié Charles Péguy s’associera à sa famille et à ses amis pour lui rendre hommage. Vous pouvez nous envoyer vos témoignages  que nous publierons ci-dessous (adresse : contact@charlespeguy.fr).



 



Paul Arnaud aimait se dire 'Péguyste de quartier'. Cela s'appliquait à son quartier de Nanterre comme à son travail de documentaliste au Ministère de la Justice. Mais derrière l'humilité de cette présentation se cachait un homme de grande culture, qui s'intéressait à la philosophie, notamment de Bergson, et à la vie des idées du début du vingtième siècle. Il était passionné dans ses positions et ses défenses de tel ou tel sujet. Il aimait beaucoup rassembler les gens et faciliter les rapports entre eux.

Ouvert sur le monde, son mariage lui a permis de séjourner en Corée du Sud avec son épouse Kang et de pratiquer une culture riche et non occidentale.

Grand connaisseur des textes bibliques, il pensait que si l'enfer existait, il serait vide.

L'association Amitié Charles Péguy lui doit beaucoup, et non seulement pour ses publications. Plusieurs personnes ont été introduites à l'association par lui. Il invitait facilement des personnes de son entourage à assister aux colloques ou manifestations. C'était un homme chaleureux et bon qui encourageait facilement. Sa générosité de partage des idées reste exemplaire au sein de l'association.

Nous gardons une pensée émue pour son épouse Kang, elle-même Péguyiste, et pour leur fille Suzanne.

Jennifer Kilgore-Caradec



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Lette adressée à Mme Paul Arnaud par Michel Péguy :



Chère Madame,

Notre présidente madame Claire Daudin nous a appris le décès brutal de notre ami Paul Arnaud. J’en ai été très peiné. Nous connaissions votre mari depuis longtemps. Au sein de notre groupe, il  se caractérisait par son dynamisme et par sa pertinence intellectuelle dans ses interventions et prises de parole au cours de nos colloques organisés par l’ « Amitié Charles Péguy ».

D’une grande culture littéraire, il manifestait avec conviction son originalité de pensée et de vision des problèmes débattus. Nous regrettons sa disparition comme celle d’un ami fidèle.

Permettez-moi, chère Madame, de renouveler ici tous les remerciements qui vous reviennent lorsque Paul Arnaud m’a remis en mains propres, votre prestigieux ouvrage de thèse de Doctorat : « La Quête de l’Absolu » dans l’œuvre de Péguy et de Han Yong-Un. C’est un très beau cadeau pour notre famille et plus largement pour l’ « Amitié ». Nous sommes toujours émus et admiratifs de recueillir  le fruit d’un tel travail de littérature comparée. Il nous fait saisir le rayonnement et la réception  des œuvres de mon grand-père dans de  vastes horizons.

Ma femme se joint à moi, chère Madame, pour vous adresser, ainsi qu’à votre fille Suzanne, toutes nos condoléances et l’assurance de notre respectueux et bien amical souvenir.

Michel Péguy



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Il était à la fois torrentueux et respectueux, honorant ses interlocuteurs d’un débit saccadé comme les sources volcaniques, une parole poussant l’autre et le service philosophique du Verbe incarné tournait parfois au combat des joutes verbales. On ne se prénomme pas « Paul » pour rien, l’Apôtre des gentils, le Saint-Paul-Hors-les-Murs de la religion et des tombeaux de St Pierre et des autres… L’élan vital et l’intelligence en alerte de son cher Bergson manqueront à notre Amitié Charles Péguy.

Michel Leplay



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Jusque quelques jours avant sa mort, Paul m’a téléphoné pour me citer Péguy dans sa Note conjointe sur M. Descartes… En hommage, je lui dédie cette parole, tirée de la même Note :  « Où a-t-on jamais vu que le clair exclut le profond ou que le profond exclut le clair. Ils s’excluent dans les livres, dans les didactiques, dans les manuels. Ils ne s’excluent ni dans la nature ni dans cette autre nature qu’est la grâce. »

Mgr Olivier de Berranger



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Paul Arnaud, ou le bavardage réduit à zéro… Quand il s’adressait à vous, au téléphone ou en face, il ne perdait pas de temps en formules de politesse : d’emblée on était dans le vif du sujet. Une citation d’Eve, un titre d’ouvrage, des excuses, et il raccrochait. Ces coups de téléphone énigmatiques venaient rompre le cours des occupations, des pensées, comme un caillou lancé dans l’eau, dont les ondes retentissent à l’infini. L’image n’est peut-être pas très bergsonienne, pour un homme dévoué comme il l’était à l’auteur de L’Evolution créatrice. Le jeu de miroir entre l’œuvre de Bergson et celle de Péguy le passionnait. Il donna plusieurs textes au bulletin de l’Amitié Charles Péguy sur ce sujet.


Paul Arnaud avait la passion de l’échange et du dialogue ; dans une pensée, il saisissait immédiatement ce qui la rapprochait d’une autre ; il reliait les auteurs par-delà les cultures et les religions. Si j’ai parlé de ses coups de téléphone, j’aurais pu le faire également de ses messages électroniques, qui faisaient communiquer entre eux ses amis, si éloignés qu’ils fussent dans l’espace, en leur donnant à partager une lecture, une idée, une indignation dont son cœur épris de justice était soulevé. La culture, loin d’être un apanage ou un refuge identitaire, était pour lui ce qui permet aux hommes de se reconnaître frères. Encore faut-il savoir construire des ponts, ouvrir des chemins, tracer des itinéraires dans la forêt touffue des œuvres et des évènements : il savait le faire.

Il n’avait pas l’instinct du propriétaire, ne retenait rien pour lui mais trouvait sa joie à faire circuler la pensée.

« La République ne nous appartient pas » avait-il écrit dans le compte-rendu d’un pèlerinage en Lorraine sur les traces de Péguy, où il avait arpenté des cimetières dont les tombes s’ornaient des noms de soldats venus de loin pour sauver la patrie. Il ne manquait jamais d’associer à Péguy « mort pour la France » les troupes de Marocains qui avaient combattu près de lui.

« Péguy ne nous appartient pas », aurait pu dire celui qui, dans notre association, n’hésitait pas à porter la contradiction, et ne s’exprima jamais qu’en dialogue avec autrui, donnant à ses articles la forme de lettres adressées à des auteurs avec lesquels il poursuivait un entretien philosophique sans concession, mais non exempt de chaleur et de respect mutuel. Riche de connaissances, il s’est toujours voulu du côté des pauvres et des petits, y compris à l’Amitié Charles Péguy ; ses messages, il les signait « un péguyste de quartier », ou « un simple lecteur ». A l’énoncé d’un colloque sur « Péguy et les grands hommes », il avait réagi par ces mots : « Dans l'Eve de Péguy ce sont les plus petits qui mènent le monde : le bébé Jésus réchauffé par le souffle du bœuf et de l’âne, le bébé Moïse sauvé des eaux du Nil par la fille du Pharaon. »

« Dieu ne nous appartient pas » : nous savons que c’est à Taizé qu’il se sentait bien pour prier au milieu de chrétiens de confessions diverses et de toutes nations. Il était ouvert au dialogue interreligieux, saluant en Muhammad Iqbal un « Luther musulman ». Nous devions participer ensemble, avec son épouse Kang, à un numéro spécial de la revue Chemins de dialogue. Je lui avais demandé un article sur « Péguy et l’Islam » dont il m’a envoyé de nombreuses versions. Ce numéro verra le jour, et je suis heureuse que le texte de Paul y paraisse, ouvrant la voie à une nouvelle lecture de Péguy chrétien, une lecture non tournée vers le passé des cathédrales et des croisades, mais vers l’avenir de la rencontre et de la reconnaissance mutuelle.

Enfin, je voudrais dire à Suzanne que son père fait partie des hommes qui ont laissé le monde plus beau pour leurs enfants. En tissant des liens par-delà les frontières géographiques, culturelles et religieuses ; en puisant dans les grandes pensées une vision de la vie haute et belle ; en faisant son soleil d’un sourire d’enfant, il a préparé la « cité harmonieuse » dont il ne convient pas que quiconque soit étranger. Dans son souvenir, nous essaierons d’en être les dignes citoyens.

Claire Daudin

Présidente de l’Amitié Charles Péguy




Texte lu lors des obsèques de Paul Arnaud (22 janvier 2013):



« La cité harmonieuse a pour citoyens tous les vivants qui sont des âmes, tous les vivants animés, parce qu’il n’est pas harmonieux, parce qu’il ne convient pas qu’il y ait des âmes qui soient des étrangères, parce qu’il ne convient pas qu’il y ait des vivants animés qui soient des étrangers.

Ainsi tous les hommes de toutes les familles, tous les hommes de toutes les terres, des terres qui nous sont lointaines et des terres qui nous sont proches, tous les hommes de tous les métiers, des métiers manuels et des métiers intellectuels, tous les hommes de tous les hameaux, de tous les villages, de tous les bourgs et de toutes les villes, tous les hommes de tous les pays, des pays pauvres et des pays riches, des pays déserts et des pays peuplés, tous les hommes de toutes les races, les Hellènes et les Barbares, les Juifs et les Aryens, les Latins, les Germains et les Slaves, tous les hommes de tous les langages, tous les hommes de tous les sentiments, tous les hommes de toutes les cultures, tous les hommes de toutes les vies intérieures, tous les hommes de toutes les croyances, de toutes les religions, de toutes les philosophies, de toutes les vies, tous les hommes de tous les Etats, tous les hommes de toutes les nations, tous les hommes de toutes les patries sont devenus les citoyens de la cité harmonieuse, parce qu’il ne convient pas qu’il y ait des hommes qui soient des étrangers.
»



Charles Péguy, Marcel, Premier dialogue de la cité harmonieuse (1898), Œuvres en prose complètes, Gallimard, coll. « La Pléiade », tome 1, 1987, p. 55.



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Paul Arnaud est mort à l’aube du 12 janvier 2013, d’un cancer généralisé découvert au retour d’un séjour en novembre à l’abbaye  de Silvacane avec son épouse Clara Kang Seung-Hi et sa fille Suzanne  Lu- Yong. Des voix plus autorisées que la mienne, à « l’Amitié Charles Péguy » (à laquelle j’ai adhéré autrefois durant une dizaine d’années), évoqueraient  mieux que moi la personnalité inclassable de ce ‘’péguyste de quartier’’, comme il se désignait lui-même, dont trente-six ans de voisinage à Nanterre m’ont simplement donné le privilège de recueillir les enseignements, au fil des événements du monde, de ses lectures et de sa nombreuse correspondance.


Aussi imprévisibles que ses coups de sonnette et son entrée en matière à peine franchi le pas de la porte, les choix de vie de Paul déroutaient parfois, que ce soit son entrée comme informaticien référent et responsable informatique de la Bibliothèque au Ministère de la Justice après un DES de philosophie sur ‘’Le personnalisme et la crise politique et morale du XXème siècle, vie et œuvre d’Emmanuel Mounier’’ (Faculté des lettres et sciences humaines d’Aix en Provence, 1988), son engagement au Parti socialiste (porteur de la future ‘’Cité harmonieuse’’) dans le courant CERES dont il défendait la primauté donnée à l’Etat-Nation, son mariage sur le tard avec une brillante étudiante coréenne, suivi de la naissance de leur fille… Mais sur les ressorts de ces choix, qu’il assumait dans une fidélité indéracinable, au besoin jusqu’à la controverse, dont il avait le goût, voire jusqu’à l’esclandre public occasionnel – jamais gratuit, car procédant d’une indignation profonde et fondée --, Paul demeurait très secret.  Il était par contre ouvertement homme de convictions, qu’il cherchait passionnément à partager. En témoignent ses nombreux échanges de correspondance, dont on trouve les échos en feuilletant les numéros passés de l’A.C.P. Et tel il se montrait dans ses propos familiers.

La conversation de Paul était toujours d’essence spirituelle, et s’orientait rapidement vers l’un des deux pôles de l’Incarnation, vertical et horizontal. A la suite de Péguy, l’essentiel de la foi chrétienne n’était ni dans les rites ni dans les dogmes, mais dans l’image de Dieu révélée dans la personne de Jésus Christ Dieu et Homme, en qui toute l’Humanité et toute réalité créée parvient à son accomplissement. Son bréviaire était ‘’Eve’’, qu’il citait inlassablement : 

Car le surnaturel est lui-même charnel

Et l’arbre de la grâce est raciné profond

Et l’éternité même est dans le temporel

Et l’arbre de la grâce et l’arbre de nature

Ont lié leurs deux troncs…

La dimension verticale de l’Incarnation apparaissait d’abord dans l’image même de Dieu, que Paul, inspiré par le livre de Christian Bobin qui portait ce titre, aimait nommer ‘’le très-bas’’, par opposition au ‘’Très-Haut’’ surplombant de notre catéchisme, et au démiurge de Voltaire ; il se référait aussi volontiers au courant mystique du hassidisme né aux 13ème -16ème siècles dans les milieux juifs , portant l’image d’un Dieu ‘’se rétractant’’ en lui-même par amour pour laisser place à sa création (voir Marc-Alain Ouaknin, ‘’Tsimtsoum’’, Introduction à la méditation hébraïque), à rapprocher du chapitre 2 de l’épitre de Paul aux Philippins.



Cette dimension verticale se retrouvait aussi dans l’intérêt que portait Paul aux origines et aux filiations. Toute sa vie a en effet été profondément marquée par le traumatisme de la perte de sa mère, Suzanne Arnaud, tuée en juin 1944 (Paul avait 6 ans) dans le bombardement de la gare de Lyon-Vaise. Sa vive sensibilité aux souffrances des victimes, personnes ou minorités, de la violence et de l’injustice s’est développée, sous le regard de cette mère disparue trop tôt, dans l’engagement de toute sa vie et de toute sa pensée. Sa vénération pour les ‘’justes’’ qui sont reconnus pour avoir sauvé des juifs sous l’occupation nazie, le portait à évoquer la mémoire de son oncle Paul Rémond, évêque de Nice, inscrit par Yad Vashem sur la liste des ‘’Justes de France’’. Quant à la filiation, à la fois philosophique et religieuse, de Péguy par rapport à Bergson, elle était l’image symbolique de la filiation du christianisme par rapport au judaïsme, remise par le Concile Vatican II au rang des vérités premières et fondamentales.



Fidèle à l’actualité de l’Incarnation, Paul déployait aussi ses activités dans le champ horizontal, c’est à dire dans l’ordre temporel. On peut sentir à travers sa correspondance le souci d’établir des liens et des échanges. L’arrivée de celle qui, venue de Corée pour préparer et présenter une thèse, deviendrait un jour son épouse et le rendrait père, a non seulement modifié ses conditions d’existence, mais contribué à développer son intérêt pour l’inter-culturalisme. Le sujet de la thèse : « La quête de l’Absolu à travers Eve de Charles Péguy et Nim-ui Chim-mük (Votre Silence) de Han Yong-un » dispense d’explications sur les circonstances de ce tournant dans la vie de Paul : on trouvera par ailleurs un condensé de cette thèse publié dans l’A.C.P. n° 84 d’octobre-décembre 1998 et portant le texte d’une présentation faite par l’auteur au Centre Culturel Coréen, ainsi qu’un compte rendu intéressant de Paul Arnaud dans l’A.C.P. n° 88 d’octobre-décembre 1999.



D’autres tournants ont été imposés par la recherche d’un ‘’atterrissage’’ dans l’enseignement supérieur du coréen pour Kang, qui les a amenés à un essai de vie en Corée, interrompu par une grave opération au cerveau qu’a dû subir Paul et leur retour définitif à Nanterre pour raisons de suivi médical. Leur activité commune s’est poursuivie par l’achat d’une résidence secondaire à Ameugny, non loin de Taizé qu’ils aimaient fréquenter, et dans la perspective d’y accueillir des pèlerins étrangers, notamment coréens. Le soin de l’étranger aura jusqu’au bout été le trait dominant de la spiritualité de Paul. L’A.C.P. n° 88 rapporte ce trait qui complète ces quelques notes sur Paul. Je le cite en entier : « En rendant hommage le 12 septembre dernier devant le monument Péguy à Villeroy, aux modestes paysans de ce modeste bourg tombés aux côtés de Péguy le 5 septembre 1914. Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle (et non leur)… C’est à ces vers d’Eve que pensait celui qui de la foule et devant les corps constitués s’exclamait : « Il y avait aussi des tirailleurs marocains qui sont morts pour la France à Villeroy  »  (voir le Boudon). Tout est placé dans ce passage d’Eve sous le signe de la dépossession et de l’inter-nations. » On aura sans doute deviné que l’auteur de ce billet n’est autre que Paul lui-même. Modeste et tenace Paul…



S’il faut une conclusion, c’est peut-être dans l’opposition, que nos conversations évoquaient comme un leitmotiv, faite par Bergson entre le ‘’tout fait’’ et le ‘’se faisant’’ : comme son maître Péguy, héritier de Bergson, Paul rejetait les situations conventionnelles, les idéologies crispées, les ‘’morales raides’’, tout ce qui est trop ‘’ortho’’ (‘’gonal’’, ou ‘’doxe’’, voire ‘’graphe’’ dont il n’avait cure), pour ce qui est souple comme la vie elle-même. Paul aimait la vie pour elle-même et non pour y faire de la figuration, nous nous efforçons de poursuivre avec lui celle qu’il a trop tôt quittée.

Yves Le Touzé



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J’ai si peu connu Paul Arnaud, qu’il m’avait semblé faire preuve d’indélicatesse que d’évoquer, lui mort, ses présences bienfaisantes à mes côtés. Mais il se trouve que, lui mort, les liens qui m’attachent à lui se font plus serrés, plus noueux, plus impérieux - ses messages sur internet retentissent toujours de sa parole, nos entretiens téléphoniques se prolongent en échos vifs, grinçants, érudits et railleurs. Et je le vois, se dressant au cours d’un colloque, pour réclamer que l’on n’oublie pas les poussées toujours actives d’un Bergson, que l’on ne se détourne pas d’horizons qui débordent nos provincialismes – au fond: pour réclamer justice (il le fit pour moi, cible de certaines hostilités). Notre relation dépassait l’anecdote, elle était une sorte de rare et “bon” compagnonnage, dans des milieux que notre “bon” Péguy (oui) connaissait si bien et exécrait tant. Portrait de Paul Arnaud, “mon cher Kang” (c’était l’annonce de mes messages), en “Juste”! Il fut, et il est encore question, dans les milieux qu se réfèrent à Péguy, de parler, surabondamment, colloque à l’appui, des “grands hommes” (j’ai même commis un article sur le sujet). Prolixité douteuse, suspecte panthéonade. De ce pain-là, Paul Arnaud ne grignota nulle miette. Et pourtant, sa dent, même acérée, ne blessait, n’abaissait personne – elle visait toujours en direction de la grandeur. Quelle “grandeur” donc oserai-je pour appellation de “mon cher Kang” ? Voici qu’abordant présentement la notion de “mystique”, du Mahatma (“grande âme” mobilisée par Romain Rolland) rôde par devers moi en d’obscures allées cérébrales - et je distingue, net, en Paul Arnaud, la  “grande âme”.

Roger Dadoun



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Paul Arnaud fit ses études secondaires chez les Jésuites au Collège ND de Mont-Roland à Dôle (Jura) de 1950 à 1957, donc de sa 10e à sa 17e année. Sept années durant, il fut mon ami dont j'aimais la fougue créatrice bien que désordonnée et le dépouillement le plus total. Vivement apprécié de notre professeur de philosophie pour les excursions que lui autorisaient son esprit essentiel, rapide, structuré, cultivé, enthousiaste, il fut un phare pour tous. Poète et rêveur, Paul était déjà un mystique détaché de tout, passionné par les opéras de R. Wagner qu'il connaissait par cœur et chantait (le graal pour lui c'était d'aller  au festival de Bayreuth). Il dévorait Bernanos, Mounier, Claudel, Proust........ et Péguy dont il citait des vers au pied levé. Généreux vis-à-vis de tous en particulier des humbles, des modestes, des SDF.



Lors de quelques contacts téléphoniques l'an passé, il me disait et répétait : "Adolphe Hitler lui-même n'a pu qu'être sauvé à la dernière seconde, çà j'en suis intimement convaincu."

Lors de son hospitalisation pour un cancer qui lui rongeait le corps de toute part, il me précisait : "j’attends calme et serein, je me sens en confiance avec Lui !"



Cher Paul Arnaud, ami de nos jeunesses : détachement, graine d'amour, belle âme. Tu es là dans mon cœur.



Jacques Coppey de Paris, le 20 février 2013



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Note : Note 3

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Avis : A lire, le témoignage d'André Cassou, 4ème maire adjoint de Nanterre, sur son blog, en date du 16 janvier :


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